La 6e Conférence internationale des droits de l’homme s’alarme de la situation à Bahreïn

MENA

Publié par Emmanuel Trépied et Coalition marocaine contre la peine de mort, le 10 mars 2017

La Coalition mondiale contre la peine de mort était invitée à prendre part aux travaux de la 6ème Conférence internationale des droits de l’homme, organisée le 22 février 2017 à Beyrouth par le Forum de Bahreïn pour les droits de l’homme. Intitulé « Communauté internationale et défis des réformes en matière des droits de l’homme à Bahreïn », l’événement a réuni des représentants de nombreuses organisations de défense des droits humains. Axée autour de la question des manquements actuels graves aux droits de l’homme dans ce pays, d’une part, et de celle des mécanismes internationaux de renforcement de ces mêmes droits, d’autre part, la Conférence a pris fin par l’adoption d’une série de recommandations.

Droits de l’homme à Bahreïn : un constat sombre

Dans le sillage des interventions des représentants des différentes organisations nationales et internationales présentes, la Conférence a pris acte de la détérioration de la situation des droits de l’homme au Royaume de Bahreïn. Plus particulièrement, ont été pointées les nombreuses mesures visant à limiter les libertés d’expression et de réunion pacifique, mais aussi de religion et croyance. Ont été également mis en lumière les procès inéquitables intentés aux militants et défenseurs des droits de l’homme par les autorités judiciaires, ainsi que la confiscation de leurs droits civils et politiques.

Libertés de réunion et d’association

Le droit de se réunir pacifiquement est interdit à Bahreïn depuis 2014. De plus les autorités bahreïniennes ont imposé des restrictions arbitraires à la création d’organisations non-gouvernementales. À cela s’ajoutent des décisions d’emprisonnement de dirigeants politiques, ainsi que la dissolution possible de partis ou associations politiques.

Loi anti-terrorisme et déchéance de nationalité

Dans le cadre de la loi anti-terrorisme, des décisions de justice ont déchu de leur nationalité des citoyens de Bahreïn. Apatrides de fait, certains ont été expulsés par la force.

Peine de mort

Monsieur Abdellah Mouseddad, membre du Comité de pilotage de la Coalition mondiale contre la peine de mort, a analysé dans son intervention les derniers développements en matière de peine capitale à Bahreïn. Soulignant que seulement 2 pays de la région Afrique du Nord et Moyen-Orient ont voté pour la résolution onusienne de 2016 concernant le moratoire sur le peine de mort, M. Mouseddad a mis en évidence l’opposition de la région à la tendance abolitionniste mondiale. Une contre-tendance régionale déjà visible dans l’augmentation conséquente du nombre d’exécutions en 2015.

Dans leur rapport alternatif au rapport gouvernemental de l’Etat de Bahreïn, la Coalition mondiale et ses partenaires ont noté le retour à un usage « excessif » de la peine de mort depuis le dernier Examen Périodique Universel (EPU)* en 2012. En effet, de nombreux crimes autres que le crime d’homicide volontaire sont passibles de la peine capitale, d’après le Code pénal et la loi sur la protection des actes terroristes. Cela confirme par ailleurs l’utilisation de la peine de mort comme arme politique à l’encontre des opposants et des défenseurs des libertés, en témoigne l’exécution de 3 activistes des droits de l’homme.

Un appel final ferme, mais timide sur la peine de mort

S’appuyant sur ce constat préoccupant, la Coalition a présenté les recommandations du rapport, appelant à imposer un moratoire et à abolir la peine de mort. Dans un premier temps, les auteurs du rapport exhortent les autorités de Bahreïn à amender les lois pénales afin de restreindre la peine capitale aux seuls cas d’homicide volontaire, précisant qu’une telle restriction ne peut être efficace qu’accompagnée de directives fermes à l’adresse des juges. Le rapport recommande également le rejet des aveux extraits sous la torture. Au niveau international, l’Etat de Bahreïn est appelé à inviter les rapporteurs spéciaux sur son territoire, tout particulièrement le rapporteur en charge des exécutions extra-judiciaires et son homologue en charge de la torture.

À l’issue de la Conférence, le communiqué final a appelé à prendre des mesures aussi fermes et ambitieuses que l’alignement de la législation bahreïnienne sur le droit international afin de garantir les libertés de réunion et d’expression, la suppression de la compétence de la « main du roi » en matière judiciaire ou encore la fin du recours aux tribunaux militaires en matière de délits d’opinion. De façon marquante, le communiqué a exhorté Bahreïn à ratifier le Statut de Rome de la Cour pénale internationale et le Protocole facultatif à la convention contre la torture.

Néanmoins, on peut regretter que seule l’abolition de la peine de mort pour les détenus d’opinion ait été retenue par les organisateurs, ce qui ne reflète que très partiellement les recommandations du rapport EPU de 2012. Un choix qui illustre les difficultés rencontrées par la position abolitionniste dans la région, y compris dans les rangs des défenseurs des droits de l’homme.  

*L’Examen Périodique Universel (Universal Periodic Review – UPR) est un mécanisme unique du Conseil des droits de l’homme par lequel la situation des droits de l’homme de tous les pays membres de l’ONU est examinée tous les 5 ans. Il donne lieu à un rapport final listant des recommandations.

 

Photo : Bahrain Mirror – sous licence CC 3.0

Plus d'articles