La Commission des droits de l’homme des Philippines lance une campagne contre la réinstauration de la peine de mort dans le pays

Journée mondiale

Publié par Thalia Gerzso, le 26 octobre 2017

Un pas de géant en arrière

Malgré la promulgation d’une loi visant à interdire la peine de mort aux Philippines en 2006 et la ratification du deuxième Protocole facultatif du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, le président Duterte a manifesté sa volonté de rétablir la peine de mort pour les crimes liés aux stupéfiants. Cette loi rétrograde vise à mettre fin à la recrudescence criminelle qui sévit au sein du pays. Ce n’est d’ailleurs pas la première fois que la peine de mort est utilisée à des fins sécuritaires. En effet, bien qu’elle eût été abolie une première fois en 1987, la peine capitale fut réintroduite en 1993. Les abolitionnistes ont dû attendre 2006 pour la voir complètement abolie en droit et en fait.

Ces mêmes organisations abolitionnistes sont donc tombées des nues lors du discours du président Duterte, dans lequel celui-ci prêchait pour l’éradication des « maux de la société ». Cette annonce est apparue encore plus surprenante puisque en 2003 seulement 4,02 % des prisonniers dans les couloirs de la mort étaient condamnés pour des crimes liés à la drogue. Ces statistiques n’ont pas empêché la Chambre des Représentants d’approuver la troisième et dernière lecture du projet de loi visant à réinstaurer la peine de mort dans le pays.

La Commission des droits de l’homme des Philippines se mobilise.

Afin de contrer l’adoption finale du projet de loi, la Commission des droits de l’homme des Philippines a lancé une campagne de sensibilisation avec plusieurs organisations. La première étape de cette campagne fut d’établir un dialogue avec les communautés locales afin de débattre du système judiciaire. Le plaidoyer au sein des organes législatifs fut également une pièce maitresse de cette campagne. La Commission et d’autres partenaires ont surveillé les discussions au Parlement et ciblé des parlementaires en leur fournissant des rapports et des notes d’orientation. La Commission s’apprête également à mener pour la première fois une enquête nationale dont le but sera de déterminer les motivations, préjugés et arguments en faveur ou contre la réinstauration de la peine de mort.

En parallèle, les abolitionnistes ont organisé des campagnes médiatiques et de sensibilisation pour la 15ème Journée mondiale contre la peine de mort. Des campagnes éducatives et d’information ont eu lieu partout dans le pays : la Commission et le Right to Life Network ont distribué des outils pédagogiques à la population. Un compendium des positions de la Commission, avis consultatifs et résolutions sur la peine de mort, a été publié et distribué afin de servir d’outils de mobilisation. La Commission était aussi présente sur les réseaux sociaux via des « posts » et « memes ». Une infographie en partenariat avec la Coalition mondiale contre la peine de mort a également été publiée sur Facebook.

Enfin, la Commission, en partenariat avec l’Australian National University, a publié une étude sur le droit international et la peine de mort aux Philippines. Cet étude vise à rappeler au gouvernement ses obligations au regard du droit international. En effet, selon le droit international public, un État ne peut pas dénoncer ou se retirer du deuxième Protocole. Une réinstauration de la peine de mort serait donc une violation manifeste du droit international. Ces études balayent également tout argument visant à discréditer la validité du traité ou de son interprétation.

Grâce à cette mobilisation, la Commission des droits de l’homme des Philippines espère pouvoir empêcher la réinstauration de la peine capitale dans le pays. Une telle réinstauration serait un retour en arrière et pourrait déclencher une réaction en chaîne d’autres États rétentionnistes ou souhaitant rétablir la peine de mort pour des motifs similaires.

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