Déclaration commune, la peine de mort au Japon

Déclaration

Publié par Center for Prisoners' Rights and Japan Innocence & Death Penalty Information Center, le 30 mars 2018

I Introduction

Le Conseil des droits de l’homme des Nations Unies a achevé le troisième cycle de l’Examen périodique universel (EPU) du Japon le 19 mars 2018. La position du gouvernement japonais concernant le traitement des prisonniers et la peine capitale reste encore opposée à celle que nous prônons. Le gouvernement a toutefois promis de faire des efforts afin d’améliorer les conditions de détention des personnes incarcérées, mais il n’a accepté aucune des recommandations qui ont été faites concernant la peine capitale.

II Recommandations des Etats au Japon : La promesse d’amélioration du traitement des détenus.

En ce qui concerne le traitement des prisonniers au Japon, plusieurs pays étrangers ont fait des recommandations. Le Panama a demandé la modification de la réglementation concernant l’isolement cellulaire. La Suède et le Canada ont réclamé l’amélioration des soins médicaux et dentaires, ainsi que l’amélioration des systèmes de chauffage et de climatisation dans tous les établissements. La France a demandé une meilleure protection des droits des personnes condamnées à mort. Le Danemark a demandé instamment une conformité plus stricte avec l’Ensemble de Règles à Minima pour le traitement des détenus (Règles Nelson Mandela). L’Espagne et la Zambie ont formulé des recommandations similaires. De nombreux gouvernements ont recommandé au Japon d’adhérer au Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.

Bien que le gouvernement japonais n’ait pas clairement accepté ces recommandations, il a fait état de certaines avancées et de progrès pour l’amélioration des conditions de détention. Parmi ces avancées, les soins médicaux et les installations de chauffage et de climatisation. Il a également indiqué que les détenus condamnés à mort étaient traités de manière appropriée.
Il va sans dire que les établissements pénitentiaires japonais sont aujourd’hui encore toujours confrontés à de sérieux problèmes en ce qui concerne les soins médicaux, l’absence de chauffage et l’isolement cellulaire. On peut noter qu’en raison de l’introduction de la loi sur le personnel médical pénitentiaire et de la création du Centre médical pénitentiaire du Japon oriental, le personnel médical et les services médicaux des prisons ont été améliorés.

Cependant, de nombreux détenus affirment qu’il faut plusieurs jours d’attente pour voir un médecin et que l’accès à des soins médicaux adéquats est souvent refusé. Peu d’installations ont des systèmes de chauffage ou de climatisation en état de fonctionnement, à l’exception des unités situées dans les régions en proie à des températures extrêmes, et encore. Certains détenus souffrent même de gelures.

Néanmoins, nous apprécions que le gouvernement partage ces préoccupations et promette de faire des efforts afin d’améliorer les conditions carcérales en réponse aux recommandations de la communauté internationale.

III Le refus des recommandations concernant la peine de mort.

Durant toute cette année (2017), 37 pays ont appelé à l’abolition de la peine capitale, ou à l’établissement d’un moratoire sur le recours à la peine capitale, ainsi qu’à la ratification du deuxième Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques. Cela inclus notamment les recommandations spécifiques suivantes, relativement faciles à mettre en œuvre :

1) Etablir un moratoire sur l’application de la peine de mort et l’abolition de la peine capitale (Brésil).
2) Il doit exister un système de recours obligatoire pour les affaires ayant entrainé une condamnation à mort (Suisse) ; assurer la protection des droits des condamnés à mort en garantissant, entre autres, l’effet suspensif lors de toute demande d’appel ou de révision de procès (France).
3) La désignation d’un organisme officiel chargé de la mise en œuvre et de la promotion d’un débat éclairé sur la réforme de la peine de mort (Autriche).
4) Prendre en considération la possible mise en place d’un moratoire sur la peine capitale et d’un débat public sur l’utilisation de la peine de mort dans le futur (Canada).

Néanmoins, le gouvernement japonais n’a accepté aucune de ces recommandations. « Le Japon estime que chaque pays souverain devrait être autorisé à prendre des décisions sur la question de la peine de mort de manière indépendante. L’opinion publique nationale, l’existence de crimes extrêmement vicieux et d’autres facteurs rendent l’abolition de la peine de mort inappropriée. Un moratoire temporaire est également inapproprié tant que le jugement final est rendu de manière impartiale et dans le respect de l’Etat de droit ».

Il est clair que le gouvernement japonais nie indéniablement le fait que la peine capitale soit une question relative aux droits de l’homme, fondée sur l’article 6 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques. Une attitude aussi obstinée soulève de sérieuses inquiétudes quant à l’engagement du Japon à promouvoir les droits de l’homme.

IV La réponse impardonnable du gouvernement japonais à la communauté internationale.

Le gouvernement japonais a poursuivi les exécutions, et ce, même après les deux derniers cycles de l’EPU. Le gouvernement a exécuté trois condamnés à mort le 17 juin 2008, immédiatement après l’adoption, le 12 juin 2008, du document final du premier cycle. Il a exécuté deux condamnés à mort le 26 avril 2014, un mois après l’adoption, le 14 mars 2013, du document final du deuxième cycle. Le 14 mars 2018, alors que le Conseil des droits de l’homme de l’ONU était sur le point d’adopter un autre document final, le ministère de la Justice a transféré 7 des 13 membres de la secte Aum Shinrikyo dans le couloir de la mort du quartier pénitentiaire de Tokyo vers d’autres établissements.
Le ministère a donné un prétexte boiteux selon lequel le transfert consistait simplement à emprisonner les complices séparément. Nous pensons que le ministère de la Justice veut en réalité détenir les accusés dans différents centres de détention afin de procéder à des exécutions massives en même temps.
Il est inhabituel d’exécuter ceux qui demandent un nouveau procès. Cette situation a changé en juillet 2017. Un grand nombre des 13 membres de la secte qui se trouvent dans le couloir de la mort sont dans cette situation. Nous craignons qu’ils ne soient exécutés malgré le droit à un effet suspensif dans le cadre d’un nouveau procès.

Le Japon est membre du Conseil des droits de l’homme de l’ONU et accueillera le Congrès des Nations Unies sur la prévention du crime et la justice pénale à Kyoto en 2020. De plus, le Japon accueillera les Jeux olympiques d’été cette année-là. Si le gouvernement ignore les appels de la communauté internationale et choisit de procéder à des exécutions, qu’il s’agisse de membres de la secte Aum Shinrikyo ou d’autres détenus dans les couloirs de la mort, le Japon sera dégradé.

Nous exigeons que le gouvernement reconsidère sa position archaïque et cruelle à l’égard de la peine de mort. Si le gouvernement procède à une exécution massive, la réputation internationale du Japon sera irrémédiablement entachée. Nous exigeons que la ministre de la Justice, Mme Yoko KAMIKAWA, retienne les exécutions massives et, sous le pouvoir de la raison, fasse un pas en avant et entame un dialogue.

Le 30 mars 2018
Center for prisoners’ Rights (CPR)
Japan Innocence &Death Penalty Information Center (JIAPED)

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Japon

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