Des experts analysent la relation entre la peine de mort et la pauvreté
Caraïbes
La professeure Coraly N. Cruz Mejías, a partagé certaines conclusions de son travail de recherche José Lasalle: Pena de muerte y racialización (José Lasalle : peine de mort et racialisation). Elle y analyse un cas de peine de mort en considérant l’élément racial comme un facteur déterminant ayant conduit à cette sentence. José Lasalle Hernández a été condamné pour la première fois, pour mutilation en 1905 et en 1912, il a été exécuté après avoir été reconnu coupable de meurtre au premier degré, en dépit de nombreuses irrégularités dans la procédure. La véracité des témoins à charge a été remise en question, mais l’appel n’a pas empêché sa condamnation à mort.
Coraly N. Cruz Mejías nous mène jusqu’au moment où José Lasalle est reconnu coupable et condamné à la peine capitale. Son travail met en évidence non seulement la criminalisation de la pauvreté, mais aussi la racialisation de la criminalité en montrant que « la peine de mort est un châtiment qui a été utilisé contre les couches inférieures de la société, en particulier les Noirs et les minorités ethniques ».
Cette analyse est accompagnée des résultats du travail de recherche inédit du professeur, avocat et activiste Carmelo Campos Cruz, intitulé José Miranda: apuntes sobre la primera ejecución de un puertorriqueño en Hawái (José Miranda : notes sur la première exécution d’un portoricain à Hawaii) concernant la première exécution documentée d’un Portoricain sur le territoire des États-Unis, le 26 octobre 1904. Ainsi, les enquêtes menées par Coraly N. Cruz Mejia et Carmelo Campos Cruz, confirment ce qui a été mis en évidence par la Fédération internationale des droits de l’homme (FIDH), c’est-à-dire que :
« La peine de mort est une pratique discriminatoire, souvent utilisée contre les personnes les plus vulnérables et doit être abolie. Pauvreté et peine de mort sont inextricablement liées. Les inégalités sociales et économiques nuisent à l’accès à la justice des personnes condamnées à mort, et ce pour plusieurs raisons : l’accusé dans une telle situation d’inégalité manque souvent de ressources (sociales, économiques, culturelles mais aussi de pouvoir) pour se défendre et sera le plus souvent marginalisé en raison de son statut social » (FIDH, 2018).
Kevin Medina Miguel Rivera, président de la Coalition mondiale contre la peine de mort (Paris, France) et de la Commission peine de mort du Barreau de Porto Rico confirme ces conclusions. En effet, selon lui, la peine de mort est souvent appliquée de manière discriminatoire car le « système de justice pénale » ne protège pas toujours les plus démunis face à la marginalisation engendrée par la pauvreté.
Il a également souligné que, souvent, on traite différemment les personnes d’un certain groupe social pour des raisons extrinsèques (revenus, éducation, lieu de résidence) ou intrinsèques (sexe, origine ethnique et raciale). Selon les données fournies par l’avocat Rivera Medina, les personnes pauvres sont plus susceptibles d’être criminalisées et victimisées.
Il a noté qu’aux États-Unis, 95 % des personnes se trouvant dans le couloir de la mort provenaient de milieux défavorisés (Equal Justice Iniciative, 2007). Les migrants se trouvent dans une situation similaire. Cela a conduit Clive Stafford Smith, cité par Rivera Medina, à affirmer que « la peine de mort n’est pas destinée aux pires des criminels, mais aux personnes ayant la pire représentation légale. »
Par ailleurs, le pape François s’est prononcé contre la peine de mort lors de sa réflexion sur la place de la peine capitale dans le Catéchisme de l’Église catholique. Ce n’est pas la première fois que le pape se prononce contre la peine de mort, en disant qu’elle ne rend pas justice aux victimes, mais encourage la vengeance. En outre, il affirme qu’il existe des moyens de lutter efficacement contre le crime sans pour autant priver définitivement ses auteurs de la possibilité de se racheter.
Le 23 octobre 2014, lors de son audience privée avec les représentants des cinq grandes sociétés scientifiques en matière pénale, le pape François a également manifesté son opposition à l’emprisonnement à vie. En outre « il a rappelé la forte surpopulation et l’humiliation subie par les détenus dans un grand nombre de prisons du monde et a lancé un appel à la solidarité avec les victimes d’actes criminels, sans avoir recours au châtiment prôné par certaines politiques et certains médias » (2014).
Dans son message commémoratif, la Coalition portoricaine contre la peine de mort (CPCPM) a indiqué que :
« La dérogation statuaire de la peine de mort (1929) et son éventuelle interdiction constitutionnelle (1952) ont été le résultat d’un long processus de lutte exprimée notamment par des contestations et manifestations publiques ainsi que par 12 projets de loi présentés et une loi instaurant un moratoire sur les exécutions, le tout entre 1900 et 1929. Des personnalités telles que Hostos, Corchado y Juarbe, Luisa Capetillo, José Elias Levis, Rosendo Matienzo Cintrón et Juan García Ducos, ont largement contribué à l’interdiction de la peine capitale à Puerto Rico » (CPCPM, 2018).
Nous espérons que, comme l’a si bien exprimé le professeur Campos Cruz, ces réflexions contribueront à approfondir ce sujet et à « renforcer l’opposition historique de la population de Porto Rico ».
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