64ème session de la CADHP : Conclusion en Egypte, où les peines et les exécutions sont à la hausse

Publié par Bronwyn Dudley, le 14 mai 2019

Discussion sur l’abolition de la peine de mort en Egypte
 
Le 25 avril, au lendemain de la cérémonie d’ouverture de la 64ème Session ordinaire de la CADHP, un panel sur la peine de mort s’est tenu. Il était organisé par le groupe de travail de la CADHP sur la peine de mort et les actes extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires en Afrique, en collaboration avec la Coalition mondiale, la FIACAT et la FIDH. Sous la présidence de l’honorable commissaire Zainabo Sylvie Kayitesi, présidente du groupe de travail, les intervenants ont parlé ouvertement de la nécessité de l’abolition de la peine de mort ainsi que les mesures prises par certains pays pour y parvenir. Bafou Jeng, du cabinet du procureur général du ministère de la Justice de Gambie, a évoqué les mesures prises au niveau national au cours de l’année écoulée pour s’engager en faveur de la cause abolitionniste.  Ce fut par la suite au tour de Paul Angaman, président de la FIACAT, et de Cheikh Barham Aboubacar, président du Comité de dialogue religieux Intra & Inter au Niger, de souligner avec élégance les arguments en faveur de l’abolition. Ce dernier a mis l’accent sur le raisonnement religieux dans les textes islamiques pour promouvoir l’abrogation de la peine capitale. Enfin, c’était au tour de Arnold Tsunga, vice-président de la FIDH, de prendre la parole pour évoquer l’application de la peine de mort aujourd’hui sur le continent africain, en se focalisant sur le pays le plus actif au sein de l’Union Africaine à savoir : l’Égypte. En effet, alors que les statistiques mondiales les plus récentes publiées dans le rapport global sur la peine de mort d’Amnesty International révèlent une tendance mondiale à l’abolition, l’Égypte reste un cas singulier avec des chiffres alarmants :  43 personnes ont été exécutées en 2018 et 717 condamnées à mort.

L’Égypte, qui a présenté son 4e rapport périodique au début de cette année, fait partie des trois États examinés lors de la présente session par la CADHP (les autres États examinés sont le Lesotho et la Gambie). Après les observations finales des intervenants, le représentant de l’Égypte a rapidement pris la parole. Il a réitéré ce qui était indiqué dans le rapport égyptien concernant la peine de mort à savoir que la pratique reste « légale en vertu du code pénal égyptien et de la souveraineté égyptienne » et ne s’applique que dans les « scénarios de crimes les plus graves ».
Toutefois, cette déclaration ne reflète pas la réalité dans laquelle des condamnations à mort sont fréquemment prononcées en Égypte. Comme indiqué dans un rapport alternatif soumis à la CADHP par la Coalition mondiale et les défenseurs des droits de l’homme début avril, l’Egypte ne réserve pas uniquement la peine capitale aux infractions les plus graves mais également pour des crimes n’ayant pas causé la mort de la victime. En effet, la peine de mort s’applique de plus en plus dans les affaires de dissidence politique et à la suite de procès en masse.

Former le réseau de plaidoyer de la Coalition mondiale avec la CADHP

Le 23 avril, avant le début de la session, la Coalition mondiale, en partenariat avec la FIACAT, a organisé un atelier de formation à l’intention des membres intéressés sur la manière de plaider au sein de l’organe de la CADHP et sur ce à quoi s’attendre lors de sessions ordinaires. Encore en phase d’essai, l’atelier bilingue (français et anglais) mis en place par la Coalition mondiale pendant les sessions ordinaire de la CADHP réunissait 12 participants, de nombreux membres de la Coalition mondiale et originaires de pays de l’Union africaine : Libéria, Sierra Leone, Cameroun, Maroc, République démocratique du Congo et Côte d’Ivoire. Des avocats et des militants ont participé à cette formation d’une demi-journée consacrée au rôle et à la fonction de la CADHP, ainsi qu’aux nombreuses méthodes que pouvaient utiliser la société civile pour défendre les causes des droits de l’homme, en particulier l’abolition de la peine capitale.

Ensemble, les participants ont fait des déclarations orales au cours de la session, et ils ont pris en compte les nuances de la rédaction et de la soumission de rapports alternatifs à la CADHP, ainsi qu’une multitude de moyens informels d’interaction avec les commissaires de la CADHP et le secrétariat. "J’ai appris de nouvelles choses sur les droits de l’homme et la peine de mort en Afrique. Bien sûr [cette] formation m’a été utile et m’a permis d’améliorer mes compétences en matière de plaidoyer et m’a aidé à construire des arguments contradictoires en faveur de l’abolition totale de la peine de mort" a déclaré Komrabai Dumbuya de l’ONG Sierra-Léonaise Mano River Youth Parliament. La Coalition mondiale se réjouit du succès qu’a eu cette formation à la fois pour les participants mais aussi pour les formateurs et s’engage à continuer dans cette perspective en vue d’améliorer sa technique pédagogique pour la prochaine session ordinaire.

Espace limité pour la société civile

Une des caractéristiques communes à tous les participants présents à la session à Charm-el-Cheikh fût les nombreuses restrictions imposées par le pays hôte dans le but d’intimider la société civile à poursuivre ses action.  Ainsi les autorités égyptiennes ont travaillé d’arrache-pied pour rendre la tâche difficile à de nombreuses ONG présentes, en commençant  notamment  par le refus de visas d’entrée à certaines personnes mais aussi une fois sur place, l’interdiction  d’accès aux salles de réunion privées dans les hôtels pour organiser des événements parallèles ainsi que  la limitation de tout rassemblement de la société civile au lieu de la session, (International congress centre), où une présence constante du gouvernement égyptien a été remarquée. Ce dernier, voulant toujours avoir un contrôle effectif sur le déroulement de la session, a également supervisé la délivrance des badges d’identité pour l’entrée sur le site.

La Coalition mondiale et ses partenaires n’ont pas échappé à ce contrôle opéré par les autorités Egyptiennes. Ainsi elle s’est vu refuser l’accès à de nombreuses chambres d’hôtes privées pour ses séances de formation. Un espace fût finalement trouvé pour organiser la séance de formation dans le centre de congrès international mais avec comme conséquence une réduction de la durée de la formation passant d’une journée à une demi -journée.

Lors de sa déclaration d’ouverture au nom du Forum des ONG, Hannah Forster, Présidente du Comité de pilotage des ONG, a déclaré que "[l]es participants au Forum [des ONG] ont exprimé leur consternation devant le nombre d’ONG qui se sont vu refuser un visa. De plus, certains d’entre eux se sont plaint d’être confrontés à un taux prohibitif qui a réduit leur engagement à partager des événements parallèles." Il a également été fait mention d’une lettre de protestation écrite par les ONG lors du Forum adressée à la CADHP pour souligner le mauvais traitement dont elles ont été victimes.

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