Comment la Peine de Mort est Politisée : Une Réflexion sur le 8ème Congrès Mondial Contre la Peine de Mort
Congrès mondial
Lors du 8e Congrès mondial contre la peine de mort, qui s’est tenu à Berlin, en Allemagne l’expression « la peine de mort est utilisée comme un outil politique » a été fréquemment utilisée – dans les panels, les tables rondes, les discours, et même parmi les participant·es qui prenaient un café entre deux événements du Congrès.
En effet, l’application de la peine de mort a toujours été une décision incroyablement politisée, favorisant l’agenda politique des dirigeant·es et des législateur·ices qui l’encouragent. Lors de la discussion en plénière « La nouvelle génération abolitionniste: Transmission et innovation », Nina Joy Makena (participante au 8e Congrès mondial, membre de l’Abolition Now Tour – Kenya) a fait remarquer que la peine de mort a été conçue pour punir de manière permanente ceux et celles qui n’obéissent pas aux règles et qui ont un comportement social jugé indésirable. Lorsqu’elle est appliquée à l’oppression des minorités, ou à la suppression de la résistance politique dont les pensées sont perçues comme dangereuses, elle devient un bras dangereux du pouvoir politique qui est sanctifié judiciairement.
Un bon exemple de politisation, discuté avec véhémence pendant le Congrès mondial, est la peine capitale en Iran. Pour les autorités iraniennes, la peine de mort est utilisée comme réponse aux protestations, parmi de nombreux autres crimes. Pour censurer les manifestations publiques, le régime iranien procède à des arrestations et détentions arbitraires, à des exécutions publiques et utilise la torture contre des manifestant·es. Cette répression vise à décourager toute personne envisageant de protester et de défier les autorités. Cela crée et instille un climat de peur au sein de la société. Les prisonnier·es politiques savent ainsi à quoi ils et elles pourraient être confronté·es à une époque où « chaque exécution est une exécution politique » (Mahmood Amiry-Moghaddam, participant au 8e Congrès mondial, professeur de neuroscience et directeur d’Iran Human Rights).
Selon Mahmood Amiry-Moghaddam, « la population iranienne risque de subir une exécution de masse » si l’Iran maintient intacte sa répression politique. Comme l’a dit Jean Asselborn (participant au 8e Congrès mondial, ministre des Affaires étrangères et européennes, Luxembourg) lors de la discussion plénière « L’instrumentalisation de la peine de mort à des fins politiques », « l’Iran est contre son propre peuple ». Au cours de cette discussion en plénière, Mr Amiry-Moghaddam a également mentionné que « dès que le régime iranien craint des protestations et des tumultes potentiels, le nombre de condamnations à mort et d’exécutions augmente » ; une augmentation qui n’a cessé de croître depuis les protestations causées par la mort de Mahsa Amini en détention policière pour avoir porté son hijab d’une manière non conforme aux normes de l’État. Par ailleurs, Mr Amiry-Moghaddam a mis en avant l’impact des origines des personnes persécutées par le régime comme Amini qui était d’origine kurde. Selon lui, il faut s’intéresser de près aux minorités, qui « dans les régimes oppressifs, [sont] encore plus touchées »
Cela renvoie à une autre source de politisation de la peine de mort : le racisme. Trey Legall (participant au 8e Congrès mondial, membre de l’Abolition Now Tour – USA) a discuté de la peine de mort dans le contexte américain lors du panel « La nouvelle génération abolitionniste: Transmission et innovation ». Il a exprimé que la peine de mort repose indéniablement sur un fondement raciste, puisqu’elle remonte à l’esclavage, au lynchage et aux taux d’incarcération plus élevés des Noir·es, des Latinx, des indigènes et d’autres populations marginalisées. On peut donc parler d’un « héritage colonial de l’esclavage ». Il a notamment abordé le sujet de la justice sociale aux États-Unis et a mentionné l’existence d’une hiérarchie lorsqu’il s’agit de savoir qui peut être victime. Certaines personnes ont le privilège d’être considéré·es, à tort ou à raison, comme des victimes, ce qui a incité Legall à poser des questions plus larges telles que « qui est considéré comme un être humain? » et « qui a le droit d’être humain? ». Aux États-Unis, le fait d’être considéré comme une victime peut avoir un impact important dans l’application de la peine capitale. Dans les États qui continuent à exécuter, ils le font au nom des victimes et des membres de leur famille, tout en niant que la personne condamnée pour le crime peut également être victime d’un traitement injuste de la part du système de justice pénale. De nombreux politiciens rétentionnistes aux Etats-Unis, qui prétendent être du côté de la justice et de la victime, instrumentalisent la peine de mort pour leurs propres ambitions politiques.
Enfin, la peine de mort devient un outil politique pour déshumaniser certains individus. Cela est possible, en en faisant les ennemi·es ou les étranger·es et en les privant de leurs droits humains. Ils deviennent indignes d’un traitement éthique, ce qui permet de justifier l’imposition de la peine capitale. Cela signifie que l’État dispose ainsi d’un adversaire de moins pour réaliser son programme politique. Cela fait écho à une déclaration du ministre de la Justice de la République du Malawi, Titus Mvalo, qui, lors de la cérémonie d’ouverture du 8e Congrès mondial contre la peine de mort, dans le cadre du débat pénal « Construire des alliances vers l’abolition », a déclaré que « personne n’a le droit d’ôter une vie, sauf l’État, qui est le problème ».