Plaidoyer pour l’adoption du projet de protocole par l’Union africaine : Un pas dans la bonne direction pour l’abolition en Afrique
Afrique
Afrique
Plaidoyer à Addis-Abeba
Le 10 octobre 2023, la FIACAT (Fédération internationale des ACAT) et la Coalition mondiale contre la peine de mort, représentée par Mme Florence Ayivor-Vieira de l’ACAT-Ghana et M. Hervé Nsabimana du CODHAS (Centre d’observation des Droits de l’Homme et d’Assistance Sociale), coprésident·es du groupe de travail de la Coalition mondiale sur le projet de protocole, se sont réunies à Addis-Abeba, en Éthiopie. Étaient également présent·es des experts et expertes membres du groupe de travail de la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples (CADHP) sur la peine de mort, les exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires et les disparitions forcées en Afrique, afin de soutenir le projet de protocole facultatif à la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples relatif à l’abolition de la peine de mort.
Coïncidant avec la Journée mondiale contre la peine de mort, la CADHP et l’Union européenne ont organisé un panel pour discuter des avancées en matière d’abolition sur le continent africain et des progrès qu’il reste à accomplir. Le panel a été ouvert par S.E.M Eamon Gilmore (Représentant spécial de l’UE pour les droits de l’homme), le Dr. Ikubaje John Gbodi s’exprimant au nom du Commissaire aux affaires politiques, à la paix et à la sécurité de la Commission de l’Union africaine (UA), ainsi que par le Commissaire Idrissa Sow, Président du Groupe de travail de la CADHP sur la peine de mort. Modéré par Mme Florence Ayivor-Vieira, ACAT-Ghana, le panel a réuni des intervenants et intervenantes des délégations nationales auprès de l’UA et de l’Éthiopie (S.E.M. Hervé Djokpe, Ambassadeur du Bénin, S.E.M. Rose Kashembe Sakala, Ambassadrice de Zambie, et S.E.M. Manuel Salazar, Ambassadeur d’Espagne), ainsi que de la CADHP (M. Julien Ngane Ndour, membre expert du groupe de travail de la CADHP sur la peine de mort) et de la société civile (M. Paul Angaman, Président de la FIACAT).
Les discussions en panel ont présenté les nombreuses avancées observées ces dernières années sur le continent africain, les ambassadeurs du Bénin et de Zambie ont notamment exposé leurs propres pays comme des études de cas abolitionnistes. Toutefois, les discussions ont principalement porté sur le projet de protocole additionnel afin de continuer à sensibiliser et à susciter l’enthousiasme pour ce texte. Le reste de la semaine qui a suivi le panel a été consacré à des réunions bilatérales avec les acteurs et actrices intéressé·es et les représentants et représentantes permanent·es auprès de l’Union africaine afin de commencer à recueillir des soutiens en vue de la réintroduction du projet de protocole au sein de l’Union africaine, dans l’espoir d’entamer des négociations techniques en 2024.
En outre, une première réunion des États champions ou « amis du projet de protocole » a eu lieu à l’ambassade de la Cote d’Ivoire sous l’invitation de la représentation de la Francophonie (OIF). Réunissant les ambassadeurs et ambassadrices des pays francophones élargie aux différentes missions diplomatiques à laquelle avait pris part le représentant de la FIACAT, la Coalition mondiale et le président du groupe de travail de la CADHP. L’objectif principal de la réunion était de commencer à identifier l’intérêt des États africains pour l’UA, afin de savoir qui serait prêt à soutenir ce projet de protocole. Le groupe d’amis du projet de protocole s’est engagé à créer un cadre d’échange entre les ambassadeurs et ambassadrices pour s’assurer de la bonne évolution du processus d’adoption du projet de protocole. Les États favorables au protocole qui ne sont pas membres de l’Union africaine ont également été associés au plaidoyer pour soutenir l’adoption du protocole en tant qu’allié·es à des niveaux neutres.
Pourquoi un protocole facultatif à la Charte africaine ?
Les Nations unies et de nombreuses autres organisations internationales ont plaidé en faveur de l’abolition de la peine de mort en raison de la violation potentielle des droits humains fondamentaux qu’elle représente. En effet, le thème de la 52e session du Conseil des droits de l’homme des Nations unies et du Conseil supérieur biennal sur les questions pénales, organisé le 28 février 2023 par le Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l’homme (HCDH), était « les violations des droits humains » et portait principalement sur l’abolition de l’application de la peine de mort.
L’UA, dont le mandat principal est de promouvoir la paix, la sécurité et les droits de l’homme, considère également l’abolition de la peine de mort comme une priorité et s’est efforcée d’obtenir des résultats depuis sa création. Récemment, l’UA a considéré que la révision et l’adoption de son projet de protocole sur l’abolition de la peine de mort étaient importantes pour refléter les normes internationales croissantes et promouvoir la protection des droits humains.
Dans la conclusion de son étude de 2011 sur la question de la peine de mort en Afrique, la CADHP a recommandé ce qui suit : « À l’Union africaine et aux États parties, l’adoption d’un Protocole à la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples relatif à l’abolition de la peine de mort en Afrique en toutes circonstances [pour] combler les lacunes de la Charte africaine en mettant davantage l’accent sur la justice réparatrice que sur la justice rétributive. »
Si 27 pays africains ont aboli la peine de mort en décembre 2023, d’autres y ont encore recours pour des crimes tels que le meurtre, le terrorisme et le trafic de stupéfiants. Outre la violation des droits humains et le caractère inhumain de la peine de mort, l’application de la peine de mort est irréversible, et une fois qu’une personne est exécutée, il n’y a aucun moyen de corriger une condamnation injustifiée. Des recherches ont également montré que certaines victimes se sont révélées innocentes après l’exécution, tandis que d’autres ont été victimes de circonstances telles que l’indifférence et les activités politiques.
L’absence de systèmes appliqués, comme une représentation juridique inadéquate, un accès limité aux preuves médico-légales et la corruption, reste un défi en Afrique. En adoptant le projet de protocole contre la peine de mort, l’UA peut encourager la réduction du risque d’exécution de personnes innocentes, dans l’optique d’y mettre un terme.
La ratification et l’adoption du projet de protocole permettront également à l’UA de réaffirmer son engagement à l’égard de son mandat principal, qui est de promouvoir la paix, la sécurité et les droits humains et de prévenir les erreurs judiciaires. L’adoption du protocole aura également un effet contraignant sur les pays membres, ce qui favorisera la coopération et la collaboration régionales et garantira la cohérence dans l’application du protocole. Des peines alternatives à la peine de mort doivent cependant être élaborées par l’UA pour s’adapter à l’orientation mondiale.
L’UA ne dispose pas de lois juridiquement contraignantes pour obliger ses membres à abolir la peine de mort, et il ne suffit donc pas d’appeler les États membres qui ont mis fin à la peine de mort à l’annoncer et à réaffirmer leur engagement à cet égard. L’Union africaine peut toutefois tirer parti des dispositions légales des pays membres, des changements de dirigeants et dirigeantes, de l’opinion publique, de la diplomatie et de la pression internationale pour faire pression en faveur de l’abolition dans les pays membres qui n’ont pas encore aboli la peine de mort. Plusieurs efforts ont été déployés ces derniers temps pour aider l’UA à adopter le projet de protocole, qui est resté inactif depuis sa première présentation à l’UA en 2015.
La FIACAT et la Coalition mondiale ont tenu une réunion le 20 juillet 2023, avec 39 de leurs membres pour initier le processus de lecture, de révision et d’adoption du protocole par l’Union africaine. La réunion a passé en revue le plaidoyer pour l’adoption du projet de protocole sur la peine de mort et a commencé à identifier les domaines d’action pour pousser à l’achèvement du processus d’adoption.
Le plaidoyer en faveur de l’adoption de la peine de mort par l’Union africaine est un pas dans la bonne direction.
Photographie : Coalition mondiale contre la peine de mort