Rendre visible les discriminations fondées sur le genre dans la peine capitale
Pour la Coalition Mondiale contre la Peine de Mort, la lutte pour l’abolition de la peine de mort doit se mener sur la base d’une approche intersectionnelle et fondée sur le genre. Depuis 2021, à l’occasion de la Journée Mondiale contre la Peine de Mort, dédiée à la réalité invisible des femmes condamnées à mort, la Coalition Mondiale est proactivement engagée pour rendre visible les discriminations intersectionnelles que rencontrent les femmes et les personnes LGBTQIA+ dans le processus judicaire menant à la peine de mort. De 2022 à 2025, la Coalition Mondiale travaille sur ces enjeux principalement en Indonésie, en Iran, au Japon, en Jordanie, au Kenya, en Malaisie, au Nigeria, en Tanzanie, au Sri Lanka, en Ouganda et aux États-Unis.
-
Comprendre le lien entre discriminations fondées sur le genre et peine de mort
Femmes et peine de mort
Bien que les femmes représentent actuellement moins de 5% de la population mondiale des couloirs de la mort, l’analyse de leurs profils, leurs parcours et les crimes pour lesquels elles ont été condamnées à mort mérite une attention particulière en ce qu’elle révèle l’existence significative de biais de genre dans les procédures pénales relatives à la peine capitale. Les femmes sont exposées à des discriminations intersectionnelles tout au long du processus judicaire menant à la peine de mort ainsi qu’une fois dans le couloir de la mort
Le rapport de 2018 du Cornell Center on the Death Penalty Worldwide, premier rapport exhaustif sur ce sujet, montre qu’une grande majorité des femmes condamnées à mort appartiennent à des minorités ethniques et raciales, ne sont pas alphabétisées, présentent des handicaps intellectuels, mentaux et/ou psychosociaux et ont subi des violences fondées sur le genre. Dans certaines régions, comme les États du Golfe et de l’Asie du Sud-Est, la majorité des condamnées à mort sont des femmes migrantes. Le poids des discriminations de genre transparaît également dans les procédures judiciaires. Des bais de genre sont présents au stade de l’enquête où les forces de l’ordre manifestent des préjugés sexistes ; au stade du procès, où de nombreuses femmes n’ont pas accès à un procès équitable en raison d’un manque de ressources économiques ; et au stade de la condamnation, lorsque les antécédents et circonstances du crime liés au genre, comme un passé de violences fondées sur le genre, ne sont pas prises en compte. Une fois en prison, les besoins sexo-spécifiques des femmes, notamment en matière de santé sexuelle et reproductive, de soins médicaux et de santé mentale, de protection contre la violence sexiste et sexuelle et de services de réduction des risques liés à la consommation de drogues, ne sont pas pris en compte.
« Une approche de la peine capitale basée sur les droits de l’homme ne peut être complète sans une composante de genre » Agnès Callamard, Rapporteuse spéciale des Nations unies sur les exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires, 2018
Minorités de genre et sexuelles et peine de mort
Les personnes LGBTQIA+1 sont également exposées à des discriminations dans l’application de la peine capitale et une fois dans le couloir de la mort. Les minorités sexuelles sont d’abord directement stigmatisées par les lois pénales. 11 états dans le monde (Afghanistan, Arabie Saoudite, Émirats arabes unis, Iran, Mauritanie, Qatar, Nigeria, Pakistan, Somalie, Yémen et Brunei) prévoient la peine de mort pour les personnes ayant des relations sexuelles consenties entre personnes de même sexe. Dans de nombreux pays, d’autres délits fondés sur la moralité, tels que le « travestissement » et les « atteintes à la moralité publique » sont des motifs de poursuites pénales qui peuvent mener à des condamnations à mort. Une fois dans le couloir de la mort, les minorités de genre et sexuelles sont particulièrement exposées aux abus et mauvais traitements.
La Coalition Mondiale est convaincue de l’importance d’une analyse de la peine capitale fondée sur le genre afin de visibiliser le caractère inhumain et discriminatoire de la peine de mort et pour plaider pour son abolition totale.
1 La Coalition Mondiale contre la Peine de Mort fait le choix d’utiliser l’acronyme LGBTIQIA+ afin d’utiliser le terme « parapluie » le plus complet et inclusif. Il nous semble important de noter que ces termes et acronymes ne sont ni universellement acceptés ni uniformément utilisés.
-
Le genre et la peine de mort à la Coalition Mondiale contre la Peine de Mort
L’intégration d’une vision de la peine de mort fondée sur le genre fait partie des engagements de la Coalition Mondiale contre la Peine de Mort. Avec ses membres, elle met en œuvre des actions visant à renforcer la protection des femmes et des minorités de genre et sexuelles faisant face à la peine de mort et plus largement s’entache à visibiliser les discriminations de genre et intersectionnelles à l’œuvre dans le processus de la peine capitale.
De 2022 à 2025, la Coalition Mondiale, avec The Advocates for Human Right et le Cornell Center on the Death Penalty Worldwide concentrent leurs actions « genre et peine de mort » dans les pays suivants : États-Unis, Indonésie, Iran, Japon, Jordanie, Kenya, Malaisie, Nigeria, Tanzanie, Sri Lanka, Ouganda
Renforcer la capacité des organisations de la société civile
La Coalition Mondiale contre la Peine de Mort accompagne ses membres à renforcer leurs connaissances et compétences pour incorporer une approche fondée sur le genre dans leurs actions abolitionnistes.
Cet accompagnement se fait à travers les actions suivantes :- la coordination d’un groupe de travail Genre, composé par toutes les organisations membres de la Coalition Mondiale ayant un intérêt ou une expertise sur le genre ;
- la gestion d’une liste de diffusion pour toutes les organisations partenaires des 11 pays cibles afin de partager les opportunités de collaboration et toute information pertinente ;
- le développement et la mise à dispositions de formations et d’outils pratiques sur l’insertion des enjeux de genre dans la lutte abolitionniste ;
- a capitalisation et le partage de bonnes pratiques sur comment développer une stratégie abolitionniste fondée sur le genre ;
- l’accompagnement des membres pour une mobilisation sensible au genre pour la Journée mondiale contre la peine de mort.
Renforcer les liens avec les mouvements et organisations de défense des droits des femmes et des minorités de genre et sexuelles
La Coalition Mondiale contre la Peine de Mort est convaincue de l’importance de renforcer les liens du mouvement abolitionnistes avec les organisations des droits des femmes et des minorités de genre et sexuelles. Pour cela, la Coalition Mondiale invite ces organisations à rejoindre le mouvement abolitionniste et à collaborer dans le développement d’évènements et d’outils conjoints.
Renforcer la connaissance des États membres des Nations unies et des organismes de défense des droits de l’homme abolitionnistes pour plaider en faveur d’une approche sexospécifique de l’abolition de la peine de mort.
La Coalition Mondiale contre la Peine de Mort accompagne la coordination d’un plaidoyer abolitionniste international sensible au genre. Une attention particulière est portée à l’intégration systématique des enjeux de genre dans le plaidoyer réalisé auprès de tous les mécanismes des droits humains ainsi que dans la mise en œuvre d’un plaidoyer spécifique auprès des mécanismes spécialisés sur les droits des femmes comme le Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes.
-
Ressources externes
- Office des Nations unies contre la drogue et le crime, Règles de Bangkok: Règles des Nations Unies concernant le traitement des détenues et l’imposition de mesures non privatives de liberté aux délinquantes et commentaires, (décembre 2010)
- Conseil des droits de l’homme, Rapport de l’expert indépendant sur la protection contre la violence et la discrimination fondées sur l’orientation sexuelle et l’identité de genre, (11 mai, 2018), U.N. Doc. A/HRC/38/43
- Association pour la prévention de la torture, Promouvoir la protection efficace des personnes LGBTI privées de liberté: Guide de monitoring, (2018).
- ECPM, « S’aimer n’est pas un crime, »
Inscrivez-vous à notre nouvelle newsletter trimestrielle sur le genre et la peine de mort