Nous sommes allés au 7è Congrès Mondial contre la peine de mort

Congrès mondial

Publié par Wang Peiqi (secrétaire générale de la Taiwan Alliance to End the Death Penalty), le 7 octobre 2019

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Notre délégation allait également se rendre à l’Assemblée générale des membres de la WCADP en marge du Congrès. Au-delà d’une volonté de mieux comprendre la situation internationale et d’entamer un travail de coopération sur certaines affaires, ce voyage avait un autre objectif encore plus important : défendre le cas de trois condamnés à mort à Taiwan, nommément Qiu HeShun, Xie ZhiHong et Wang XinFu.

Devant la salle de l’assemblée se trouvait un village thématique. La TAEDP y avait installé un stand avec des posters retraçant l’histoire de ces trois hommes. Xu ZiQiang et Zheng XingZe, avec l’aide d’interprètes, y ont partagé leurs expériences avec leurs collègues internationaux et les ont invités à signer la pétition pour soutenir les efforts pour défendre la cause des trois condamnés.

La TAEDP, au cours de conférences et de workshops, a présenté le déploiement durant toute l’année écoulée d’une « Consultation citoyenne sur les alternatives à la peine de mort », une première pour la société taiwanaise et un nouveau type d’action menée dans le cadre des efforts de ces dernières années pour aboutir à l’abolition de la peine de mort. Avec cette action, l’Alliance est allée au plus près des citoyens en organisant des ateliers au cours desquels il a été possible d’écouter et de récolter les avis des Taiwanais concernant les alternatives possibles à la peine capitale. Les profils des participants étaient divers et variés : il y avait à la fois les pro-abolitionnistes, les opposants et les indécis. Néanmoins, tout le monde était d’accord pour se retrouver afin de débattre ensemble des grandes questions publiques. Le champ des discussions, extrêmement riches, s’est étendu naturellement vers des thématiques comme la réforme des prisons, la prévention du crime, la protection des victimes ou encore l’éducation.

Lin Xinyi, directrice générale de la TAEDP qui a participé à de nombreuses reprises à l’assemblée de la WCADP, a partagé cette expérience avec cette dernière. L’objectif était double : d’une part, présenter le travail effectué par la TAEDP ; d’autre part, récolter les avis des collègues du monde entier, qui ont par ailleurs exprimé leur intérêt pour ce type d’action qu’est la consultation citoyenne.

Elle explique : « Mon anglais était très mauvais lorsque j’étais allée à ma première assemblée générale. Néanmoins, lorsqu’on a vraiment envie de partager quelque chose, on peut dépasser la barrière de la langue. On déploie tous les moyens, tout le vocabulaire que l’on connaît pour raconter ce qu’on a à dire et même si la grammaire est bancale, tout le monde comprend le message. »
 

Que vaut une vie humaine ?

Lorsqu’on parle de partir à l’étranger pour participer à l’Assemblée générale de la Coalition mondiale contre la peine de mort, l’événement paraît extrêmement lointain, déconnecté de la vie des gens. Les opposants à l’abolition reprochent constamment aux organismes pro-abolition de « connivence avec les forces étrangères qui s’ingèrent dans les affaires intérieures de Taiwan. » Et pourtant, nos nombreuses années de militantisme nous montrent bien que ces forces ont plutôt permis de sauver la vie de nombreuses gens ordinaires.

Xu Ziqiang, Zheng Xingze, Su Jianhe, Jing Linxun, Liu Binglang : autant d’individus ordinaires comme vous et moi, mais qui ont été condamnés à la peine capitale avant d’être acquittés. Lorsque le système juridique de l’Etat présente des failles alors que ce dernier a droit de vie ou de mort, la vie de ces hommes peut être brisée, déchirée aussi facilement qu’une feuille de papier.

Ce sont désormais des hommes libres qui ont pu reprendre le cours de leur vie, dont les possibilités et la force ne cessent de se multiplier.

A leur retour, lors d’un atelier d’échanges organisé par des amis, ces derniers ont demandé à Xu Ziqiang et Zheng Xingze ce qu’ils avaient pensé du voyage. Alors que je les écoutais d’une oreille attentive, je ne pouvais contenir mon émotion lorsque je me suis remémoré leur parcours de vie qui avait pris un tournant si dramatique.

Alors que je pensais qu’ils évoqueraient leur émotion, la douleur peut-être, les deux hommes m’ont plutôt fait penser à des retraités paisibles, nous racontant avec grand sérieux ce qu’ils avaient ressenti alors qu’ils prenaient pour la première un vol long-courrier, et parlant de la largeur des sièges, du climat européen, trop froid à leur goût, du manque de sûreté et combien il était peu commode de ne pas avoir d’eau chaude aux repas, souvent froids.
 

Et j’ai eu comme un déclic : c’est ça, la vie. C’est aussi simple que cela, la vie.

Vivre et ressentir le quotidien et l’humain. Tant que nous vivons libres, nous sommes tous identiques. Mais les condamnés à mort, ils ne sont plus vus comme des humains, eux à qui on va ôter la vie.

Cette fois-ci, c’est au tour de A-Qiang et A-Ze d’emporter avec eux les affiches de Qiu Heshun, Xie Zhihong et Wang Xinfu afin de sensibiliser la communauté internationale à leur cause. Leur propre vécu a également été source d’inspiration. Hors d’anciens acquittés comme eux, nous avons également rencontré des proches de victimes, qui ont partagé avec courage leur expérience et qui nous ont également beaucoup touchés et inspirés.

Nous avions par le passé reçu beaucoup d’aide et de soutien de la part de la communauté internationale et c’est pourquoi nous sommes prêts à faire de même dans la mesure du possible.

Xu Ziqiang raconte : « En vérité, comme je ne comprends pas la langue, je ne savais pas de quoi parlait la conférence… Mais quand je vois que l’Union Européenne est prêt à débloquer autant d’argent à aider les autres pays, je suis touché. Ce qu’ils font là, ce n’est pas pour eux puisque la peine de mort y est déjà abolie. Ils le font pour les autres. Dépenser autant d’argent et de temps pour le consacrer aux autres, c’est quelque chose qui me touche. Ils font vraiment quelque chose pour notre planète et j’en suis touché. » Lors des échanges, il a aussi répété maintes fois à quel point il était touché. Et ce sont des mots sincères qui viennent de quelqu’un qui revient de très loin, un ancien condamné à mort. A-Qiang, avec son calme détaché, résume ainsi les raisons pour lesquelles nous n’abandonnons pas, nos objectifs et nos espérances.

Post-scriptum.

Peu après notre retour à Taiwan, une bonne nouvelle nous est arrivée au sujet de Xie Zhihong !

Le 13 mars dernier, le tribunal suprême de Tainan a rouvert son procès et a suspendu l’application de la condamnation. Le lendemain, après plus de 6 800 jours en détention, après avoir été privé de liberté pendant plus de 18 ans, Xie Zhihong a été libéré ! Cet après-midi-là, nous avons vu A-Hong, délivré de ses menottes, sortir du tribunal et rentrer chez lui, la main de sa vieille mère serrée dans la sienne.

C’est à ce moment précis que Xie Zhihong a enfin pu disparaître de nos affiches. Désormais, nous n’étions plus tenus à distance, séparés par la vitre grillagée du parloir ou maintenus sous haute surveillance. Il se tenait désormais tout simplement à nos côtés.

Xie Zhihong lui-même est là. Il est venu dans nos bureaux et a pris une photo avec son propre panneau-portrait et ceux des autres condamnés à mort.

Tout comme Xu Ziqiang et Zheng Xingze, Xie Zhihong peut désormais reprendre le cours de sa vie. Tous nos efforts et nos appels au soutien nous ont permis d’entrevoir l’espoir. Nous ne lâcherons rien. Un jour, la peine de mort sera derrière nous ; il n’y aura plus d’âme en peine. Qiu Heshun, Wang Xinfu et d’autres dont nous ne connaissons pas encore le nom, tous vont pouvoir un jour s’épanouir de nouveau, hors des murs.
 

Photo : Christophe Meireis

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