Inde : la loterie de la mort »

Asie

le 15 mai 2008

Amnesty International Inde et la branche du Tamil Nadu et du territoire de Pondichéry de l’Union populaire pour les libertés publiques viennent de publier une étude intitulée Loterie de la mort: la peine de mort en Inde, une étude des décisions de la Cour suprême dans les affaires de peine de mort de 1950 à 2006.
Ce travail, le premier du genre, met en lumière le caractère fondamentalement inéquitable du système d’application de la peine de mort en Inde. Il conclut à la nécessité d’abolir la peine de mort dans le pays pour remédier à ces défauts.
Le réseau Anti-Death Penalty Asia Network, une coalition régionale d’organisations et de militants abolitionnistes, va utiliser le rapport dans les mois à venir pour mener une campagne demandant un moratoire en vue de l’abolition de la peine de mort en Inde.

Erreurs et arbitraire

L’étude des jugements de la Cour fait ressortir les échecs suivants.

  • Erreurs au stade de l’examen de la preuve – la plupart des condamnations à mort sont prononcées sur la seule base de preuves indirectes. Dans une décision rendue en 1994, la Cour suprême relevait non sans ironie que la mémoire du principal témoin n’avait cessé de s’améliorer. On avait constaté que sa déposition lors du procès, trois ans après les faits, avait été bien plus détaillée que les déclarations recueillies quelques jours après.
  • Défaillances de l’assistance juridique – l’étude relève notamment des cas où l’avocat est passé à côté d’éléments essentiels relatifs à l’inaptitude mentale de son client, n’a pas contesté la détermination de la peine ou n’a pas tenté de convaincre la Cour que l’accusé était mineur au moment des faits, malgré la présence d’éléments en ce sens. L’étude montre que les accusés les plus pauvres sont particulièrement mal défendus.
  • Législation antiterroriste – le rapport fait état notamment de préoccupations concernant la définition très large des « actes terroristes », l’insuffisance des garanties au moment de l’arrestation et la possibilité de retenir comme élément de preuve des aveux recueillis par des policiers.
  • Condamnations arbitraires – plusieurs chambres de la Cour suprême siégeant le même mois ont traité différemment des affaires similaires, prenant en compte des circonstances atténuantes dans un cas et pas dans l’autre.

La peine de mort n’est pas confinée aux cas "extrêmement rares"

Dans l’affaire Bachan Singh, jugée en 1980, la Cour suprême a estimé que la peine capitale ne devait être prononcée que dans des cas "extrêmement rares". Plus d’un quart de siècle plus tard, on constate que les tribunaux et les autorités n’appliquent pas de manière cohérente les dispositions établies par la loi et par cette jurisprudence.
Il existe neuf crimes passibles de la peine de mort dans le code pénal indien, et au moins 14 autres prévus par des législations locales ou "spéciales". C’est le cas dans les domaines du trafic de drogue et du terrorisme.
La dernière exécution en Inde a eu lieu en 2004. Les statistiques sur la peine de mort sont couvertes par le secret dans le pays, mais Amnesty International estime qu’au moins 140 personnes y ont été condamnées à mort en 2006 et 2007.

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