Une exposition de cadavres d’origine douteuse interdite à Paris
Plaidoyer
Ensemble contre la peine de mort (ECPM), une organisation membre de la Coalition mondiale, et l’association de défense des droits de l’Homme Solidarité Chine ont lancé avec succès une action en justice contre l’exposition Our body, à corps ouverts à Paris.
Un juge français a ordonné la fermeture de cette « exposition anatomique de vrais corps humains », qui présentait, moyennant un droit d’entrée de 15 euros, des cadavres et des organes disséqués et conservés artificiellement en provenance de Chine.
ECPM et Solidarité Chine ont mis en avant les origines troubles des corps présentés, qu’ils soupçonnent d’appartenir à des condamnés à mort et à des prisonniers. « Il s’agit exclusivement de
corps de ressortissants chinois, masculins, jeunes, et ne présentant aucune pathologie
particulière, de sorte que l’hypothèse de la mort naturelle de ces hommes paraît improbable », soulignent les associations dans un communiqué.
« Ne sait-on pas ici que, dans de nombreux cas, les parents des suppliciés chinois se plaignent de n’avoir pas pu voir ni recueillir la dépouille de leur proche ? », rappelle Richard Sédillot, l’avocat des deux organisations. « Selon la tradition chinoise, la mise en terre d’une personne décédée correspond à l’acte le plus sacré de la vie familiale. On peut en déduire à quel point l’exposition de corps sans sépulture peut être traumatisant pour les familles concernées », ajoute-t-il.
Consentement incertain
Les organisateurs, qui affirment avoir obtenu les cadavres par l’intermédiaire d’une fondation scientifique basée à Hong Kong, n’ont pas été en mesure de prouver que les personnes concernées avaient consenti à l’exposition de leur corps.
Les plaignants ont par ailleurs montré que l’exposition Our body était incompatible avec une loi française sur le respect du corps humain appliquée depuis décembre 2008.
La société Encore Events, promotrice de l’événement, affirme que 30 millions de personnes ont visité des expositions similaires dans de nombreux pays sans qu’aucun problème légal soit soulevé. Elle évoque un « amalgame » et a déposé un recours, qui sera examiné en appel dans quelques jours.
« Nous cherchons de nouvelles jurisprudences, de nouvelles preuves pour montrer que nous étions fondés à agir », explique Hélène Labbouz, membre de l’équipe d’ECPM qui suit cette affaire.
En 2008, la Coalition mondiale avait soulevé lors d’une campagne ciblant la Chine les trafics liés aux corps des condamnés et le manque de transparence des autorités au sujet de la peine de mort.
Mise à jour du 5 mai :
La Cour d’Appel de Paris a confirmé le premier jugement et maintenu l’interdiction de l’exposition. "La société Encore Events ne rapporte pas la preuve, qui lui incombe, de l’origine licite et non frauduleuse des corps litigieux et de l’existence de consentements autorisés", peut-on lire dans sa décision. L’organisateur a annoncé un pourvoi en cassation.