Inquiétude après les premières exécutions du gouvernement Abe

Asie

Publié par Thomas Hubert, le 21 février 2013

La Coalition mondiale et ses organisations membres ont interpellé le gouvernement japonais après l’exécution de trois condamnés le 21 février.
Masahori Kanagawa, Kaoru Kobayashi et Keiki Kano ont été respectivement pendus à Tokyo, Osaka et Nagoya alors que deux d’entre eux n’avaient pas épuisé toutes les possibilités de recours.
Le Centre pour les droits des prisonniers (Center for Prisoners’ Rights – CPR), l’un des membres de la Coalition mondiale au Japon, a « condamné avec force » ces exécutions tandis que le Réseau asiatique anti-peine de mort (Anti-Death Penalty Asia Network – ADPAN) a déclaré dans un communiqué qu’il « craint que les exécutions d’aujourd’hui justifient l’inquiétude légitime de voir l’utilisation de la peine de mort accélérer sous le gouvernement actuel ».
Il s’agit des premières pendaisons depuis que le premier ministre Shinzo Abe (photo, à g.) a pris ses fonctions en décembre 2012 et nommé Sadakazu Tanigaki (photo, à dr.) ministre de la Justice – le poste en charge de la signature de chaque arrêté d’exécution. Dix prisonniers ont été exécutés sous le précédent gouvernement Abe en 2006 et 2007.

« Homicides commis de sang froid »

« Les autorités étaient déjà particulièrement déterminées à procéder à des exécutions lors du précédent mandat de Shinzo Abe en tant que Premier ministre. Il est à craindre que ces exécutions marquent le début d’une série d’homicides commis de sang froid par l’État. On peut légitimement se demander si ces condamnés n’ont pas été exécutés à des fins strictement politiques », a déclaré Roseann Rife, directrice d’Amnesty International pour l’Asie de l’Est.
Le ministre de la Justice Tanigaki est connu des défenseurs japonais des droits de l’Homme pour ses positions favorables à la peine de mort, tout en ayant déclaré que les décisions d’exécution devraient être prises avec la plus grande prudence. « Cependant, nous ne trouvons aucun signe de prudence dans les décisions concernant les exécutions d’aujourd’hui, pratiquées 57 jours seulement après la prise de fonctions du ministre », a déclaré CPR.
ADPAN souligne que le course aux exécutions que semble engager le gouvernement « s’opposerait à aux appels de multiples agences des Nations unies pour que le Japon s’oriente vers l’abolition ».
Selon CPR, 24 pays ont fait des recommandations relatives à la peine de mort durant le dernier examen des droits de l’Homme au Japon devant le Conseil des droits de l’Homme de l’ONU. « Le rapport final doit être adopté à la prochaine 8e session du Conseil, et les exécutions d’aujourd’hui sont un message fort du gouvernement japonais pour dire qu’il ne prendra aucune initiative concernant l’ouverture d’un débat national sur la peine de mort ou la divulgation d’informations à ce sujet et continuera à procéder à des exécutions régulières pour réduire la population du couloir de la mort », ont écrit les militants japonais.

Des exécutions sans avertissement

Selon les règles locales, les condamnés, leurs avocats et leurs familles ne sont pas avertis à l’avance des exécutions. Le nombre de prisonniers dans le couloir de la mort – 134 – est historiquement haut, et les membres de la Coalition mondiale ont à de multiples reprises dénoncé des abus allant de l’insuffisance des procédures de recours à la forte exposition des condamnés aux maladies mentales.
« La Coalition mondiale contre la peine de mort condamne la reprise des exécutions observée le 21 février au Japon », a déclaré sa directrice Maria Donatelli. « La Coalition mondiale encourage le nouveau gouvernement japonais à revoir sa position sur la peine de mort afin de suivre la tendance mondiale vers l’abolition et en particulier le ministre de la Justice M. Tanigaki à prendre toutes les mesures en son pouvoir pour stopper de nouvelles exécutions, établir un moratoire officiel sur l’utilisation de la peine capitale en accord avec la résolution de l’Assemblée générale des Nations unies visant l’abolition de la peine de mort votée par 111 pays ; commuer les sentences de mort de tous les condamnés du pays ; et abolir la peine de mort pour tous les crimes. »
Malgré l’utilisation obstinée de la peine capitale par les autorités, les membres de la Coalition mondiale poursuivent leurs efforts pour promouvoir l’abolition au Japon. L’organisation locale Forum 90 a ainsi organisé une semaine de cinéma sur la peine de mort à Tokyo au début du mois, alternant neufs projections de films japonais et étrangers dénonçant la barbarie de la peine capitale avec des conférences d’avocats et d’anciens condamnés innocentés. De son côté, ADPAN a ciblé l’ancien et le nouveau ministres de la Justice au moyen d’une campagne sur Twitter au moment des élections.
Le 12 mars, l’organisation abolitionniste britannique Death Penalty Project organisera son premier événement public au Japon depuis qu’elle a commencé il y a deux ans à examiner les moyens de favoriser un débat ouvert sur le futur de la peine de mort au dans le pays – une nécessité dont les militants locaux dénoncent depuis longtemps le blocage.

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