Les progrès en Asie ouvrent la voie à de nouvelles stratégies

Congrès mondial

Publié par Thomas Hubert, le 20 juin 2013

Le Bhoutan, le Népal, le Cambodge et les Philippines sont les quatre pays d’Asie qui ont aboli la peine de mort en droit interne, et la Mongolie est en train de leur emboîter le pas après avoir ratifié le Protocole des Nations unies sur la peine de mort. Telle est le panorama régional dressé par le Pr Roger Hood, chercheur et auteur, lors du 5e Congrès mondial contre la peine de mort.
« Une partie de la population pense toujours qu’il n’est pas bon d’abolir la peine de mort », constate Sosormaa Chuluunbaatar, conseillère du président Mongol, ce qui explique le choix de son pays d’abolir en adoptant un instrument de droit international. « Pourtant, le droit à la vie est un droit fondamental qui ne dépend d’aucun État », ajoute-t-elle.
La présidence mongole a estimé que cet argument aurait plus de chance d’être accepté par le Parlement qu’un débat purement national.

Fin des peines de mort automatiques pour les « mules » de la drogue à Singapour

Le cas de Singapour illustre également le progrès asiatique. Selon Pervais Jabbar de Death Penalty Project, une organisation membre de la Coalition mondiale, la cité-État a récemment aboli les condamnations à mort automatiques pour les petits transporteurs de drogue. Ces condamnations étaient controversées « car leur caractère obligatoire excluait les circonstances atténuantes et elles étaient en-dehors de la catégories des crimes les plus graves », rapporte Jabbar.
Son organisation a déposé plusieurs recours contre la condamnation de Yong Vui-Kong, un Malaisien de 19 ans envoyé dans le couloir de la mort pour possession de plus de 50g d’héroïne.
« Nos recours ont échoué, mais ils ont eu une influence sur la récente décision d’abolir les peines de mort automatiques pour trafic de drogue. C’est une nouvelle façon de travailler avec la jurisprudence », explique Jabbar.
Il note aussi le développement d’importantes pétitions en ligne pendant cette campagne – un nouveau moyen d’agir dans un pays où la liberté d’expression est limitée.
« Notre travail est de déposer des recours devant les tribunaux. Cela ne suffit pas. Il faut une sensibilisation et des campagnes dans les médias pour que notre action en justice ait une chance d’aboutir », estime-t-il. Il cite la mise en réseau des organisations abolitionnistes asiatiques au sein de l’ADPAN parmi les facteurs qui rendent ce type de campagne possible.

Motivations politiques au Japon et en Inde

Le portrait de la peine de mort dans la région n’est cependant de loin pas positif partout.
« Treize pays asiatiques n’ont aucun moratoire sur les exécutions. La proportion est loin derrière le reste du monde », remarque le Pr Hood. Il ajoute que malgré un déclin marqué du nombre d’exécutions en Chine depuis la réforme judiciaire de 2007, le secret continue à y entourer la peine de mort.
L’avocate japonaise Maiko Tagusari, de l’organisation membre de la Coalition mondiale Center for Prisoners’ Rights, a démontré la politisation de la peine capitale dans son pays.
Bien que le personnel politique du Parti Démcoratique du Japon (PDJ) ait fait des promesses abolitionnistes dans le passé, elle estime que l’administration a bloqué leurs efforts. Après les élections de 2012, le DPJ a perdu sa majorité et s’est vu remplacé au pouvoir par le Parti libéral-démocrate. « Dès sa nomination, Sadakazu Tanigaki a autorisé plusieurs exécutions », rapporte Tagusari. « Il semble qu’il a été nommé pour autoriser les exécutions de certains criminels en particulier, notamment les membres de la secte responsable de l’attaque au gaz sarin dans le métro de Tokyo », ajoute-t-elle, craignant d’autres pendaisons.
L’Inde a elle aussi vu une reprise des exécutions avec deux pendaisons au cours de l’année écoulée. Alors que les présidents précédents avaient laissé les demandes de grâce en attente, bloquant la quasi-totalité des exécutions depuis les années 1980, le nouveau chef d’État indien Pranab Mukharjee en a rejeté 13. Navkiran Singh, avocat au sein de l’organisation membre de la Coalition mondiale Lawyers for Human Rights International, estime que ces exécutions sont également politisées.

Yug Chaudhry, un autre avocat indien, a déclaré lors du Congrès que les autorités indiennes avaient reconnu avoir procédé aux deux dernières exécutions en secret « pour éviter que des gens les bloquent par des recours judiciaires – ce qui est incroyable dans une démocratie ».
Il ajoute que les avocats abolitionnistes indiens répondent par de nouvelles stratégies judiciaires : « Nous pensions qu’une fois une demande de grâce rejetée par le président ou le gouverneur, c’était fini. Maintenant, nous déposons des recours qui visent le cœur de la décision prise par le président. »

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