La Coalition mondiale ouvre le dialogue avec l’Irak

Déclaration

Publié par Florence Bellivier, le 16 septembre 2013

Par son histoire récente de dictature, de guerre, d’occupation étrangère et, à présent, de violences intestines avec 4 000 morts dans des attentats en 2013, l’Irak illustre parfaitement ce que la Coalition mondiale contre la peine de mort considère être un pays difficile.
D’un côté, avec 129 personnes exécutées en 2012 et au moins 67 en 2013 (chiffres Amnesty International 2012), ce berceau de la civilisation se situe dans le peloton de tête des exécutions, dans la même zone sombre que son voisin l’Iran, l’Arabie saoudite, les États-Unis et la Chine – celle-ci ayant toutefois plusieurs longueurs d’avance.
D’un autre côté, le combat abolitionniste se heurte, ici plus qu’ailleurs, à un noyau dur d’objections bien connues. Elles sont ressassées à l’envi par les partisans de la peine de mort ou ceux qui s’y résignent comme à un moindre mal, avec un haussement d’épaules furtif : quand on est en guerre contre le terrorisme, aucune indulgence ne saurait être tolérée.
C’est encore ce que nous a dit l’ambassadeur d’Irak à Paris Fareed Yaseen lors d’un entretien qu’il a bien voulu accorder à la Coalition mondiale, représentée par sa présidente, Florence Bellivier, et l’un de ses vice-présidents, Raphaël Chenuil-Hazan, le 11 septembre.
Pendant une bonne heure, nous avons devisé sereinement du passé d’exilé de l’ambassadeur, fondateur, à l’époque, d’une association de soutien aux disparus, autre fléau frappant l’Irak ; des convictions abolitionnistes profondes du président irakien Jalal Talabani, durablement empêché d’exercer ses fonctions ; de la permanence regrettable des lois d’exception ; de la résurgence de pratiques policières d’Ancien Régime confinant aux traitements inhumains et dégradants ; du manque criant de statistiques accessibles et fiables sur la réalité des condamnations et exécutions.

Le scandale des exécutions à la chaîne

Ce fut un entretien paisible et constructif d’où nous sommes sortis avec l’espoir de pouvoir engager un dialogue avec des représentants de la société civile irakienne, voire des parlementaires régionaux, sur ce scandale que constitue, quelles que soient les circonstances, l’exécution à la chaîne et à la va-vite de dizaines d’individus par an.
Car la violence concrète des situations particulières n’enlève rien aux arguments de principe que les 145 organisations-membres de la Coalition mondiale, dont une organisation irakienne, ne cesseront de porter partout où le besoin s’en fera sentir.
Quand bien même elle serait prononcée au terme d’un procès équitable, ce qui est rarement le cas y compris dans les démocraties les plus sophistiquées, la peine de mort est une violation du droit à la vie et à la dignité inhérente à tout être humain. Droit de tuer asymétriquement conféré à un État contre un individu, son aspect dissuasif n’a jamais été démontré et son existence entraîne plutôt le cycle infernal de la violence. Les conditions de détention dans le couloir de la mort s’apparentent bien souvent à des traitements inhumains et dégradants.

Pas de victoire contre le terrorisme avec la peine de mort

Quant à ce qui préoccupe légitimement les autorités irakiennes, à savoir la sécurité du peuple irakien, la lutte contre le terrorisme n’a jamais été gagnée par le recours à la peine de mort, au contraire : les États qui ont réussi à se défaire du terrorisme l’ont fait tout en s’étant débarrassés du châtiment capital.
C’est pourquoi la Coalition mondiale contre la peine de mort mettra tout en œuvre pour sensibiliser la société civile irakienne à cette absurdité que constitue la pratique intensive de la peine de mort dans ce pays qui devrait avoir d’autres priorités que d’exercer le droit de vie et de mort sur ses citoyens délinquants, fussent-ils des délinquants politiques dangereux.
Avant même ce travail de fond et de longue haleine qui suppose le règlement des tensions religieuses, la Coalition mondiale appelle en urgence les autorités irakiennes à adopter un moratoire sur les condamnations et les exécutions et à publier des chiffres fiables. Tant que le président n’est pas en état de signer les ordres d’exécution – prérogative éminemment personnelle – la Coalition mondiale appelle l’Irak à ne pas laisser le vice-président le faire. Que vaut la vie d’un homme face à l’argument de la continuité constitutionnelle ?

Florence Bellivier
Présidente de la Coalition mondiale contre la peine de mort
Représentante peine de mort de la FIDH

Photo: BWJones

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