L’accélération des exécutions en Irak liée à de graves violations des droits de l’Homme
Normes internationales
Avec 30 % d’exécutions en plus l’année dernière, l’Irak présente la détérioration la plus grave recensée par Amnesty International dans son rapport mondial Condamnations et exécutions en 2013.
« Les tueries auxquelles nous assistons dans des pays comme l’Iran et l’Irak sont une honte. Mais ces États qui s’accrochent à la peine de mort sont du mauvais côté de l’Histoire et se trouvent en fait de plus en plus isolés », a déclaré le secrétaire général d’Amnesty International, Salil Shetty.
Bien que le nombre de pays ayant aboli la peine de mort en droit pour tous les crimes (98) ait encore augmenté en 2013, les données d’Amnesty International montrent qu’un petit nombre d’États est responsable d’une augmentation du nombre d’exécutions confirmées, de 682 en 2012 à 778 l’année dernière. Ce chiffre ne tient pas compte du premier bourreau au monde, la Chine, où les statistiques sur la peine de mort sont secrètes et où l’on pense qu’elles sont en baisse.
L’ascension rapide de l’Irak dans le triste classement de la peine capitale s’accompagne de graves violations des doits de l’Homme décrites dans un rapport conjoint de la Coalition mondiale et de ses membres The Advocates for Human Rights et la Coalition irakienne contre la peine de mort au Conseil des droits de l’Homme des Nations unies.
The Advocates a déposé la contribution en vue de l’Examen périodique universel (EPU) des droits de l’Homme de l’Irak en octobre 2014.
« Privation arbitraire de la vie »
« Ce rapport conclut que l’Irak ne peut offrir à ses citoyens les garanties nationales et internationales nécessaires contre la privation arbitraire de la vie et devrait dès lors abolir la peine de mort », écrivent ses auteurs.
Selon la contribution, au moins 170 personnes ont été exécutées l’année dernière et plus de 30 en janvier 2014. Environ 1580 prisonniers sont dans le couloir de la mort, soit deux fois plus que les chiffres officiels.
L’administration de la peine de mort viole de nombreuses dispositions de la constitution et de la loi irakiennes : l’accès à un avocat n’est pas garanti à toutes les étapes de la procédure et certains procès ne semblent avoir duré que quelques minutes tandis que des aveux obtenus sous la torture sont régulièrement utilisés pour condamner des personnes à mort. « Par exemple, les membres de la Coalition mondiale en Irak estiment que 30 personnes exécutées en novembre ont été torturées et ajoutent que de nombreux cas sont confirmés par des dossiers médicaux », peut-on lire dans la contribution.
L’obligation de confirmer tous les ordres d’exécution par décret présidentiel est elle aussi ignorée depuis des mois : « Le Président de la République irakienne est absent du pays depuis plusieurs mois et son vice-président est lui-même en-dehors du pays et condamné à mort. »
Procès inéquitables et terrorisme
L’utilisation de la peine de mort par l’Irak depuis son rétablissement en 2004 viole également le droit international ainsi que les engagements pris par le pays quant au respect des normes internationales sur les droits de l’Homme lors de son précédent EPU en 2010.
Le champ d’application de la peine de mort s’est élargi de manière disproportionnée et la plupart des condamnations sont prononcées en application de la loi anti-terroriste de 2005 pour des infractions aussi vague que « l’assistance aux terrorisme ». Les juges subissent des pressions de la part de l’exécutif et la loi les oblige à rejeter toute circonstance atténuante dans certains cas de terrorisme. Ces dispositions et ces pratiques violent les standards internationaux sur la procédure pénale et l’obligation de réserver la peine de mort aux crimes les plus graves.
La Coalition mondiale et ses membres soulignent la discrimination à l’encontre de la minorité sunnite dans l’application de la peine capitale et « l’augmentation dramatique des meurtres de civils en Irak y compris après l’accélération des exécutions par le gouvernement ».
Ils appellent aujourd’hui les autorités irakiennes à mettre en place un moratoire sur les exécutions, à accroître la transparence sur l’application de la peine de mort et à la mettre en conformité avec les normes internationales en garantissant l’accès à un avocat et en réformant la loi anti-terroriste de 2005.