À Paris, une journée pour consolider la nouvelle génération d’abolitionnistes
Abolition
« Quand le juge vous a dit que vous étiez libre, qu’avez-vous vraiment ressenti ? », demande un lycéen à Curtis McCarty, un Américain injustement incarcéré dans le couloir de mort en Oklahoma pendant plus de 20 ans.
« C’est tellement bon d’être en vie », déclare McCarty avant de raconter son histoire. Basée sur « une conception perverse de la justice », elle touche et fait réfléchir. Soudain, la peine de mort qui n’était auparavant qu’un sujet d’étude rassemblant des faits et des mots de vocabulaire devient une réalité en chair et en os, et personne dans la salle ne reste insensible.
Avant la discussion avec McCarty, les lycéens de région parisienne et de l’étranger âgés de 14 à 20 ans qui remplissent l’amphithéâtre du Conseil National des Barreaux (CNB) ont reçu une brève introduction à la peine capitale dans le monde.
A l’invitation du CNB, de l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF), du ministère des Affaires étrangères et de l’association ECPM (membre de la Coalition mondiale), les abolitionnistes se succèdent pour leur présenter le rôles des acteurs différents dans la lutte contre la peine de mort : avocats, diplomates, associations – et les jeunes eux-mêmes.
Marianne Rossi, chargée de mission « éduquer et sensibiliser » à ECPM, détaille la pratique de la peine de mort dans le monde de façon interactive. Les jeunes ne sont pas seulement intéressés ; ils participent.
Que savent-ils vraiment sur la peine de mort ? Apparemment, beaucoup ! Plusieurs dans le groupe d’une centaine d’élèves peuvent identifier les pays rétentionnistes les plus actifs et faire la distinction entre pays abolitionnistes de fait et de droit. Même les chuchotements entre voisins tournent autour du sujet du jour.
Simulation d’un procès et de négociations internationales
Après le déjeuner, les jeunes se divisent en trois groupes pour prendre part à des ateliers participatifs au siège de l’OIF.
La directrice exécutive de la Coalition mondiale, Maria Donatelli, est l’une des abolitionnistes qui anime le premier groupe en le faisant réfléchir sur les moyens d’action que des jeunes militants peuvent utiliser pour soutenir le mouvement abolitionniste.
Le deuxième groupe, animé par Rossi, participait à la simulation d’un procès dans un pays rétentionniste, ce qui met en avant le caractère arbitraire de la peine capitale. Une élève quitte la salle en déclarant avoir réalisé que « la peine de mort est loin d’être infaillible ».
Les lycéens restants se rassemblent sous la direction de l’ambassadrice française pour les droits de l’Homme Patrizianna Sparacino-Thiellay et se mettent dans la peau d’ambassadeurs à l’ONU pendant la discussion d’une résolution universelle sur l’abolition de la peine de mort.
Après un début timide, les négociations deviennent plus animées pendant la session de « diplomatie de couloir ». Les jeunes ont une demi-heure pour essayer convaincre les autres de voter pour ou contre la résolution. L’adolescente qui représente le Maroc ne lâche pas son homologue d’Iran : « Tu cherches tellement à apaiser les puissants États-Unis [et les autres pays rétiontionnistes] que tu ignores ce que ta propre religion enseigne : la paix ! »
Après avoir conduit les jeunes représentants vers l’adoption d’une résolution appelant à un moratoire sur la peine de mort, Sparacino-Thiellay se dit « agréablement surprise de l’intérêt des élèves » pour la simulation.
Le soir, le ministre des Affaires étrangères Laurent Fabius et l’ancien ministre de la Justice Robert Badinter – qui a aboli la peine de mort en France en 1981 – accueillent les participants au ministère des Affaires étrangères pour la cérémonie de clôture. Leurs discours soulignent les leçons de la journée et le caractère urgent de l’abolition de la peine de mort. Les jeunes visages du public tranchent avec celui de Badinter, plus âgé, qui avoue que « l’âge [lui donne] une perspective différente sur une lutte longue et difficile ».
Ce contraste illustre l’ensemble de la journée : le combat de longue haleine pour l’abolition est entre les mains de la génération suivante.
Regardez les interventions de Laurent Fabius, de Robert Badinter et de plusieurs lycéens dans la vidéo ci-dessous :
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