Le terrorisme n’est pas une excuse pour les procès iniques en Irak
Normes internationales
Le Comité des droits de l’homme de l’ONU a dû attendre 13 ans, mais il a enfin reçu et examiné le rapport de l’Irak sur sa mise en œuvre du Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP). Le cinquième rapport périodique irakien, soumis en 2013 avec un retard de 13 ans, détaille les mesures adoptées par le pays afin de respecter les droits énoncés dans le PIDCP. En particulier, l’Irak a dû revenir sur son application de la peine de mort, à la lumière de l’Art. 6 du Pacte.
Le droit à la vie et l’application de la peine capitale en Irak
L’Art. 6 du Pacte interdit les condamnations à mort sans procès équitable, ou après un procès basé sur une confession extorquée sous la torture, ou lorsque l’accusé n’a pas eu accès à un avocat. Cependant, le système de justice pénale irakien ne parvient pas à fournir ces garanties. Selon les organisations non gouvernementales The Advocates for Human Rights et la Coalition irakienne contre la peine de mort, le système judiciaire irakien se caractérise par des procédures judiciaires inéquitables et un manque de transparence. En outre, de nombreuses exécutions sont simplement basées sur des aveux, obtenus par la torture ou par le témoignage incontesté de témoins anonymes.
Par conséquent, l’application de la peine de mort en Irak a émergé comme l’une des préoccupations principales du Comité des droits de l’homme qui, dans ses observations finales, se focalise sur les applications abusives de la peine de mort. En particulier, le Comité a exprimé ses inquiétudes sur les condamnations à mort en vertu de la loi antiterroriste de 2005.
Le Comité des droits de l’homme met en garde contre les mesures antiterroristes irakiennes
Même si le Comité reconnaît la nécessité d’adopter des mesures contre les actes de terrorisme, il déplore l’application de la peine de mort dans le cadre de la loi antiterroriste irakienne. Le Comité des droits de l’homme a ainsi exprimé sa désapprobation de l’utilisation de la peine capitale comme mesure anti-terroriste, dans un environnement hautement instable et corrompu qui ne respecte pas les standards du procès équitable.
Plus précisément, le Comité considère que la définition du terrorisme, telle que prévue par la loi irakienne contre le terrorisme, est trop large. Ainsi, cette définition mène à des interprétations erronées qui sont une source de préoccupation. De plus, le fait que le système judiciaire irakien manque d’indépendance, et qu’il soit confronté à une violence sectaire et à la corruption, aggrave la situation.
Le Comité des droits de l’homme des Nations unies a donc conclu que l’Irak devrait élaborer une définition plus précise du terme « terrorisme », afin d’éviter des interprétations trop larges. Ensuite, il a observé que la législation antiterroriste existante, ainsi que les mesures prises pour lutter contre le terrorisme, devraient être pleinement compatibles avec le Pacte. Enfin, il a souligné que l’imposition obligatoire de la peine de mort n’est pas compatible avec les obligations découlant du Pacte.
Le Comité a observé que l‘État partie devrait prendre dûment en considération l’abolition de la peine de mort et adhérer au deuxième Protocole facultatif (…) Si la peine de mort est maintenue, l’État partie devrait prendre toutes les mesures nécessaires, y compris des mesures législatives, pour s’assurer que: a ) la peine de mort n’est prévue que pour les crimes les plus graves ; b) elle n’est jamais obligatoire ; et c) la grâce ou la commutation de la peine sont possibles dans tous les cas, quel que soit le crime commis. L’État partie devrait également veiller à ce que, si elle est imposée, la peine de mort soit imposée sans violer aucune disposition du Pacte, y compris les procédures garantissant un procès équitable.
"L’Irak n’est pas doté des garanties nationales et internationales adéquates contre la privation arbitraire de la vie… "
" …et devrait donc abolir la peine de mort ". C’est ce que l’ONG The Advocates for Human Rights, a déclaré dans son rapport présenté en collaboration avec la Coalition irakienne contre la peine de mort.
Les deux ONG estiment que le taux d’exécutions en Irak est parmi les plus élevés au monde. Plus de 170 personnes ont été exécutées en 2013 et au moins 60 personnes ont été exécutées au cours des huit premiers mois de 2014. De plus, ils signalent que beaucoup de ces condamnations sont fondées uniquement sur des aveux obtenus par la torture ou sont motivées par des conflits sectaires.
Par conséquent, The Advocates et la Coalition irakienne ne considèrent pas que « l’escalade des exécutions et des condamnations à mort soit une réponse proportionnée, appropriée ou efficace à la violence ». Les deux représentants de la société civile considèrent que « l’imposition de la peine de mort pour des infractions définies comme "terroristes" est trop large et en violation du droit international ». Ils recommandent donc son abolition.