Les condamnations et exécutions de masse nourrissent le terrorisme en Irak
Le 24 janvier 2017 Amnesty International rapporte que 31 personnes ont été exécutées pour le rôle qu’elles avaient joué lors d’un attentat en 2014. Le 25 septembre 2017 l’organisation rapporte une deuxième fois que 42 personnes ont été exécutées pour des faits de terrorisme, puis que le 14 décembre 2017, 38 personnes ont été exécutées pour des faits similaires.
Le gouvernement irakien semble vouloir combler les pertes engendrées par la guerre contre les organisations terroristes par des exécutions de masse.
A la suite de cette annonce, Lynn Maalouf directrice de la recherche pour Amnesty International au Moyen Orient dénonce, « En procédant à une nouvelle vague d’exécutions massives, la deuxième en l’espace de trois mois, les autorités irakiennes ont une fois de plus fait preuve d’un mépris flagrant pour la vie et la dignité humaine. »
Le passé continue de remplir les prisons
Depuis les années 2000, les prisons en Irak ne désemplissent pas. Associated Press a rappelé que plus de 6 000 personnes incarcérées purgent des peines de prison en relation avec des évènements antérieurs à 2013.
Les vagues d’arrestations, de condamnations et d’exécutions en Irak depuis 2013 sont dues en majorité à la guerre contre l’Etat Islamique.
Depuis 2013, Associated Press et Human Rights Watch ont établi qu’environ 20 000 personnes ont été arrêtées sous le coup de la loi contre le terrorisme mis en place par le gouvernement. Par ailleurs, toujours selon Associated Press, depuis 2013, 3130 personnes ont été condamnées à mort pour terrorisme.
Cette loi entretient le cercle vicieux d’une surpopulation dans les prisons irakiennes et le manque de garanties judiciaires condamnant à mort quiconque ayant eu des liens, quels qu’ils soient, avec l’Etat Islamique. Belkis Wille, chercheur principal d’Human Rights Watch de l’Organisation EI en Irak, déclare « D’après toutes les rencontres que j’ai pu avoir avec des hauts fonctionnaires, j’ai l’impression que personne – même pas le premier ministre lui-même – ne connaît le nombre total de détenus ».
La loi contre le terrorisme, un cercle vicieux
Human Rights Watch explique avoir informé le gouvernement irakien que l’utilisation de la loi contre le terrorisme de manière quasi systématique, entrainant des procès éclairs et le non-respect des garanties judiciaires, allait à l’encontre d’une véritable justice et à l‘encontre du droit des victimes.
La Rapporteur spécial des Nations unies sur les exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires, Agnes Callamard a rencontré une victime des actes de l’Etat Islamique, lors de sa visite en Irak en Novembre 2017 dans le cadre de son Rapport rendu le 5 juin 2018 sur les exécutions extrajudiciaires sommaires ou arbitraires. « Nous n’avons pas besoin d’être comme eux (les terroristes). Nous avons vu assez de meurtres. N’exécutez pas plus de gens. »
La rapporteur spécial sur les exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires, en rendant son rapport a déclaré : « Le peuple irakien, les victimes et les survivants du conflit, méritent un cadre juridique et une réponse judiciaire qui reflètent correctement la nature des crimes commis, qui sont à égalité avec les crimes atroces qui font l’objet d’enquêtes et de procès dans d’autres parties du monde. La loi antiterroriste n’est pas appropriée pour traiter les crimes commis, demander des comptes aux responsables et offrir aux victimes les recours et les réparations auxquels elles ont droit. »
Désormais le gouvernement irakien fait face à une problématique majeure, la surpopulation de ses prisons. Du fait de l’incarcération et de la condamnation systématique de chaque personne reconnue comme ayant des liens avec une organisation terroriste, les prisonniers s’accumulent et les prisons deviennent un vivier pour la propagande terroriste. Cette propagande se ressent particulièrement dans la prison haute sécurité de Nasiriyah Central qui regroupe plus de 6 000 prisonniers condamnés pour terrorisme.
Lors d’une visite en Irak, le président du Comité International de la Croix Rouge (CICR) Peter Maurer a averti : « Ce sont les tortures, les mauvais traitements et les mauvaises conditions de détention à long terme qui ont radicalisé un grand nombre de personnes que nous retrouvons ensuite en tant qu’acteurs armés sur le champ de bataille ».
La peine de mort soumise au calendrier électoral
Les élections dans le pays ont elles aussi impacté cette vague d’exécutions et de condamnations. En effet, d’après Associated Press, le Premier ministre Haider al-Abadi, qui se présentait en mai pour conserver son poste lors des élections avait appelé à plusieurs reprises à accélérer les condamnations à mort des personnes accusées de terrorisme.
La victoire des deux listes anti-système le 12 mai 2018 devançant le premier ministre actuel aura peut-être raison de cette vague de condamnation et d’exécution au sein du pays.
Aujourd’hui la fracture politique du pays ne fait que s’accentuer, rendant les prises de décisions d’autant plus difficile au sein du gouvernement. Le parti Communiste et Chiite majoritaires à la suite de ces élections du mois de mai, sans toutefois gagner suffisamment de siège au Parlement, vont tenter de créer une coalition d’opposition en s’associant.