Panel de Haut Niveau de l’ONU sur peine de mort et la limitation aux crimes les plus graves

Plaidoyer

Publié par Coalition mondiale contre la peine de mort, le 14 mars 2023

Le 28 février 2023, le Conseil des droits de l’homme a tenu son panel biennal de haut niveau sur la question de la peine de mort.

Cette année, le panel s’est concentré sur la limitation de la peine de mort aux crimes les plus graves conformément à l’article 6 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques. Divers membres de la Coalition Mondiale comme Justice Project Pakistan, Harm Reduction International, Fédération Internationale des Actions chrétiennes pour l’abolition de la torture (FIACAT) et Ensemble contre la peine de Mort (ECPM), sont intervenus pour alerter sur le non-respect de nombreux pays, en droit et en pratique, de la limitation de la peine de mort aux crimes « les plus graves » et appeler à l’abolition universelle de la peine de mort.

Lors de ce panel, les avancées réalisées depuis février 2021, dernier panel de haut niveau des Nations Unies sur la question de la peine de mort, ont été applaudies. Le panéliste Mr Idrissa Sow, Président du Groupe de travail sur la peine de mort et les exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires en Afrique de la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples, a rappelé les dernières abolitions portées par le continent Africain à savoir la Zambie (décembre 2022), la République Centrafricaine (mai 2022) et la Guinée Equatoriale (septembre 2022). Mr Sow a mis en lumière les progressions indéniables réalisées sur le continent Africain où vingt-six États ont aboli totalement la peine de mort et au moins quatorze ont adopté un moratoire sur les exécutions. Lors des discussions, le représentant de l’Union Européenne a aussi félicité l’Arménie et le Kazakhstan pour avoir ratifié le deuxième protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP), visant à abolir la peine de mort.

La panéliste Mme Azalina Othman Said, Ministre de la loi et de la réforme institutionnelle de la Malaisie, a également fait part des avancées dans son pays. Elle a ainsi rappelé qu’en juin 2022, une annonce a été faite par le Gouvernement en vue d’abolir la peine de mort obligatoire et que le gouvernement était en train d’étudier la possibilité de revoir les condamnations de quelque 1320 condamné·es à mort. Mme Said a ainsi précisé que bien que la peine de mort n’est pas complètement abolie en Malaisie, l’abolition de la peine de mort obligatoire est pour le pays une position équilibrée.

Les représentant·es de pays ayant récemment aboli la peine de mort comme la Zambie et le Sierra Leone ont pris la parole pour encourager les états qui conservent la peine de mort à l’abolir. A ce titre, la délégation du Sierra Leone a notamment rappelé l’importance du processus de l’Examen Périodique Universel comme outil de la lutte abolitionniste. Nous pouvons aussi mentionner que des représentant·es d’autres pays d’Afrique comme l’Afrique du Sud et le Burkina Faso ont pris la parole pour se joindre à l’appel pour une abolition universelle.

Ensuite, ce panel a été l’occasion pour divers intervenant·es d’encourager les états qui appliquent encore la peine de mort, à la limiter « aux crimes les plus graves », en respect de l’article 6 du PIDCP. Le Haut-Commissaire aux droits de l’homme des Nations Unies, M. Volker Türk, et nombreux autres intervenant·es ont alerté sur l’application de la peine de mort à des crimes qui n’atteignent pas ce seuil de « crimes les plus graves » fixé par le droit international. Il a ainsi été rappelé que la peine de mort est encore utilisée pour des infractions liées à la drogue, l’espionnage, les crimes économiques, le blasphème, l’apostasie, les relations homosexuelles, l’adultère, ainsi que pour l’exercice légitime des libertés civiles. M. José Manuel Santos Pais, membre du Comité des droits de l’homme des Nations Unies, a rappelé que la question de la peine de mort est traitée par l’article 6 relatif au droit à la vie du PIDCP et que le droit à la vie est inhérent à chaque être humain et constitue un préalable à la jouissance de tous les autres droits. Lors de son intervention, la pénaliste Mai Sato, Professeur associée à la faculté de droit de l’université Monash, directrice d’Eleos Justice et directrice adjointe de CrimeInfo, a ainsi précisé que sur les 79 pays qui conservent la peine de mort, seuls 2 respectent la norme internationale visant à la limiter pour les crimes les plus grave. La criminalisation de certains délits a également été questionnée. Mme Mai Sato a rappelé les délits comme l’adultère, les relations sexuelles consensuelles entre personnes de même sexe, le blasphème et l’apostasie ne devrait pas être criminalisés du tout. Divers intervenant·es, comme l’ONG International Lesbian, Gay, Bisexual, Trans and Intersex Association (ILGA), ont rappelé qu’à ce jour, 11 pays condamnent encore à mort les relations sexuelles consensuelles entre personnes de même sexe. L’utilisation du droits des femmes pour justifier l’application de la peine de mort pour punir les auteurs de viols a également été souligné comme un point alarmant par Mme Mai Sato.

Mme Sarah Belal, directrice exécutive de Justice Project Pakistan (JPP), a offert à l’audience un vent d’espoir en racontant comment JPP et ses partenaires, à force de travail, détermination, et collaboration ont obtenu des avancées non négligeables au Pakistan. Sarah Belal a rappelé l’importance d’un travail contextualisé, adapté aux réalités politico-socio-culturelles du pays et basé sur des recherches approfondies basées sur des données probantes. Elle a également mis en avant l’importante collaboration avec le pouvoir judiciaire qui jouer un rôle clef dans l’alignement d’un pays à la norme relative aux crimes les plus graves. Au Pakistan, à la suite d’un travail stratégique mené par JPP (renforcement des capacités de la justice sur le droit international, procès stratégiques, etc), la référence plus systématique au droit international par la Cour supérieure Pakistanaise a été observée. Cela a notamment mené à un jugement interdisant les exécutions de personnes atteintes de maladie mentale, important directement les normes contenues dans l’article 6 du PIDCP. Pour Mme Bellal, « [si] l’on adopte une approche stratégique, il est possible d’aligner l’application de la peine de mort sur les normes internationales sans susciter de réaction ou d’indignation de la part du public ». 

L’utilisation de la peine de mort à des fins politiques, notamment pour silencier des opposant·es était également au cœur des débats. Les représentant·es de nombreux états ont alerté sur la situation en Iran où les autorités ont exécuté un nombre conséquent de personnes dans les derniers mois à la suite de manifestations de masse.

En marge du débat, 5 représentant·es d’états rétentionniste, certains parlant au nom d’un groupe de pays, ont rappelé que selon eux, la question de l’abolition de la peine capitale ne fait pas l’objet d’un consensus international et que chaque Etat devrait pouvoir appliquer souverainement son système pénal sans ingérence extérieure. 

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