Journée internationale pour le soutien aux victimes de la torture : Comprendre le lien entre la peine de mort et la torture
Journée mondiale
Le 26 juin 2023, le monde entier commémore la Journée internationale pour le soutien aux victimes de la torture (Journée internationale). Instaurée en 1987, cette journée internationale a débuté lorsque la Convention des Nations unies contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (Convention des Nations unies contre la torture) est entrée en vigueur : il s’agit d’un texte juridique essentiel pour lutter contre la torture.
Dédiée aux personnes qui ont été victimes de la torture et à celles qui la subissent encore aujourd’hui, cette journée internationale encourage la sensibilisation et les actions visant à éradiquer la torture.
Alors que la prochaine Journée mondiale contre la peine de mort (2023) continuera d’explorer la relation entre la torture et la peine de mort, le 26juin est l’occasion de souligner à quel point la peine de mort peut être une pratique tortueuse en soi.
La définition actuelle de la torture dans le droit international exclut la peine de mort
Selon les normes internationales en vigueur, la peine de mort n’est pas considérée comme un acte de torture. En effet, l’article 1 de la Convention des Nations unies contre la torture définit la torture comme « tout acte par lequel une douleur ou des souffrances aiguës, physiques ou mentales, sont intentionnellement infligées à une personne…. » En vertu de cette définition, l’interdiction de la torture est universellement reconnue comme une norme fondamentale de jus cogens qui renvoie à un droit coutumier international impératif et indérogable. Si la peine de mort devait être reconnue comme une torture ou autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (PTCID), elle serait inéluctablement qualifiée de norme de jus cogens.
Cette définition n’inclut toutefois pas « la douleur ou les souffrances résultant uniquement de sanctions légales, inhérentes à ces sanctions ou occasionnées par elles« . En clair, la peine de mort étant une sanction légale, elle ne peut être considérée comme un acte de torture au regard des normes internationales. La peine de mort est strictement réglementée par le droit international, mais elle n’est pas interdite. En vertu de nombreuses lois nationales, ainsi que du droit et des normes internationales, la peine capitale n’est pas considérée comme un acte de torture en soi, malgré le fait que de nombreux types de conditions torturantes, psychologiques et physiques, peuvent être vécues lors de l’application de la peine de mort.
Le 4 mai 2023, le professeur de droit John Bessler a publié un article pour l’Unité de recherche sur la peine de mort de l’Université d’Oxford intitulé « A Torturous Practice : Prohibiting the Death Penalty’s Use Through a Peremptory Norm of International Law » – Une pratique tortueuse : Interdire le recours à la peine de mort par une norme impérative du droit international en français –. Dans cet article, le professeur Bessler présente une nouvelle interprétation de la manière dont les normes internationales peuvent être utilisées pour reconnaître la peine de mort comme une forme de torture, essentiellement en comprenant la relation entre la torture psychologique et la menace de mort. Les menaces de mort et les méthodes telles que les simulacres d’exécution – où l’on fait croire à un individu que son exécution est imminente, alors qu’elle ne l’est pas – sont « ordinairement » reconnues comme de la torture psychologique. La nature même de la peine de mort inclut une menace de mort en tant que sanction légale, ce qui implique une détresse psychologique. Cette détresse peut se traduire par le phénomène du couloir de la mort, qui désigne la détresse émotionnelle et physique subie par la personne condamnée dans des conditions de détention difficiles en attendant son exécution. Plusieurs juristes nationaux ont reconnu le phénomène du couloir de la mort comme une forme de PTCID. L’effet psychologique subi par les personnes condamnées à mort illustre la cruauté de la peine de mort, qui ne se limite pas au moment de l’exécution, mais se manifeste tout au long du processus. Par conséquent, selon cette nouvelle interprétation, l’interdiction de la torture psychologique au niveau international est incompatible avec l’application de la peine de mort.
Un consensus croissant pour considérer la peine de mort comme un acte de torture en soi
L’abolition de la peine de mort progresse dans le monde entier, avec plus de 125 pays qui ont aboli la peine de mort en droit ou en pratique. Parallèlement, le concept de torture a acquis une signification plus large au cours des 20 dernières années. Aujourd’hui, une grande partie de la communauté internationale, des organisations de la société civile et du monde universitaire s’accordent à dire que la peine capitale est intrinsèquement incompatible avec l’interdiction de la torture et des PTCID. Sur la base de ce constat, de nombreux abolitionnistes demandent que la peine de mort soit reconnue en tant que telle comme une forme de torture. Cette vision de la peine de mort en tant que pratique tortueuse trouve également un écho dans les tribunaux nationaux et régionaux. Récemment, la voie vers la reconnaissance de la peine de mort comme une forme de torture a été renforcée par les positions prises par plusieurs acteurs abolitionnistes :
- En octobre 2022, le rapporteur spécial des Nations unies sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, Alice Edwards, et le rapporteur spécial sur les exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires, Morris Tidball-Binz, ont publié une déclaration commune sur la relation entre la peine de mort et l’interdiction absolue de la torture.
- En octobre 2022, le président de la Commission des droits de l’homme du Pakistan a publié une déclaration démontrant que l’application de la peine capitale est équivalente à la torture.
- En décembre 2022, la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples a rendu deux arrêts concernant les condamnations à mort de Marthine Christian Msuguri et de Ghati Mwitatwo en Tanzanie. Elle a déclaré que l’impact psychologique d’une condamnation à mort constituait un traitement inhumain et dégradant et a exhorté les autorités tanzaniennes à modifier les lois relatives à la peine de mort.
À l’occasion de la Journée mondiale contre la peine de mort 2022, la Coalition mondiale contre la peine de mort a reçu plusieurs témoignages d’anciens et d’actuels personnes condamnées à mort qui expliquent comment la peine de mort incarne une expérience pleine de traumatismes physiques et psychologiques et de tortures. La description de mauvais traitements tels que l’usage de la coercition et la torture psychologique dans ces témoignages met en évidence la douleur et la détresse résultant de l’application de la peine capitale, qui s’assimile sans equivoque à une forme de torture ou de PTCID.
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