Mid-terms : Un premier semestre 2023 marqué par de multiples abolitions

Bonnes nouvelles

Publié par Nellia Halimi, le 9 octobre 2023

Les sept premiers mois de 2023 ont été riches pour la communauté abolitionniste avec un nouveau pays abolitionniste, un nouvel État abolitionniste aux États-Unis, ainsi que des progrès pour l’abolition dans de nombreux pays. Toutefois, certains pays continuent d’appliquer la peine de mort et le nombre d’exécutions a augmenté de manière alarmante.

L’année 2023 commence bien

Le mois d’avril 2023 a été marqué par une série de développements positifs pour le mouvement abolitionniste. Le 11 avril, la chambre haute du Parlement en Malaysie, le Dewan Negara, a adopté deux projets de loi réformant la peine de mort, qui avaient été approuvés par le Dewan Rakyat, la chambre basse, le 3 avril. Les deux lois ont été publiées dans la Gazette du gouvernement fédéral le 16 juin, mais il a été annoncé qu’elles n’entreraient en vigueur qu’à des dates qui seront annoncées par le ministre de la Justice. Selon le ministre, plus de 1300 prisonniers devraient être concernés par la procédure de resentence suite à l’adoption de ces lois.

Avant l’adoption de ces lois, la Malaisie comptait 33 infractions passibles de la peine de mort, dont 12 étaient assorties d’une peine de mort obligatoire. Le premier projet de loi, à savoir le projet de loi 2023 sur l’abolition de la peine de mort obligatoire (DR 7), abolit la peine de mort obligatoire pour les 12 infractions qui la prévoyaient auparavant, notamment le terrorisme, le meurtre et la trahison. Le projet de loi abolit également la peine de mort pour sept infractions, dont l’enlèvement et la tentative de meurtre. Il comprend également des dispositions relatives aux peines alternatives et aux peines modifiées pour les prisonniers qui sont en cours de procès ou qui demandent le réexamen de leur peine par des juridictions supérieures. La loi est entrée en vigueur le 4 juillet, à la suite d’une annonce faite par le ministère de la Justice dans la Gazette du gouvernement fédéral. 

Le deuxième projet de loi est le Revision of Sentence of Death and Imprisonment for Natural Life (Temporary Jurisdiction of The Federal Court) Bill 2023 (DR 8). Il définit les conditions de l’arrangement transitoire qui s’applique aux prisonniers condamnés à la peine de mort (ou à l’emprisonnement à vie) pour des infractions dont les peines ont été modifiées par le projet de loi 2023 sur l’abolition de la peine de mort obligatoire (DR 7) et qui ont déjà épuisé leurs possibilités d’appel. En vertu du projet de loi, la Cour fédérale se voit accorder une compétence temporaire pour réexaminer les peines des prisonniers qui correspondent à cette description, s’ils en font la demande dans les 90 jours suivant l’entrée en vigueur du projet de loi. Azalina Othman Said, ministre du droit et de la réforme institutionnelle, a déclaré le 11 septembre 2023 que le projet de loi entrerait en vigueur le lendemain, le 12 septembre. À partir de cette date, les 1 020 prisonniers qui ont été condamnés à la peine de mort ou à l’emprisonnement à vie peuvent déposer une demande de révision de leur peine auprès d’un tribunal. Selon le ministère, le tribunal approuvera ou rejettera les demandes de ceux qui ont été condamnés à la peine de mort obligatoire ou proposera une peine de remplacement pour ceux qui ont été condamnés à la prison à vie.

Le 21 avril, l’État de Washington a aboli formellement la peine de mort aux États-Unis, après que le gouverneur Jay Inslee ait signé un projet de loi supprimant cette peine sanctionnée par l’État. Lors de la signature du projet de loi, le gouverneur a déclaré qu’il avait  « initié un moratoire contre la peine de mort dans l’État de Washington en 2014 » et que « la logique de cette décision a été confirmée par la décision de la Cour suprême en 2018, lorsqu’elle a invalidé la loi sur la peine de morte. » Il a souligné que la « peine a été appliquée de manière inégale et sans tenir compte des différences raciales.»

Peu après, le 30 avril 2023, l’Ouzbékistan a voté par référendum sur des amendements à la constitution, dont l’un permet de codifier l’abolition de la peine de mort à l’article 25 de la constitution. Les changements ont été massivement acceptés par la population, avec 90 % de votes favorables. 

Le 25 juillet a également été marqué par des avancées significatives pour le mouvement abolitionniste. Au Kenya, le président William Ruto a commué toutes les condamnations à mort prononcées avant le 22 novembre 2022 en peines de prison à vie. La décision a été annoncée par un avis publié au journal officiel et a été prise par le président sur la base d’une recommandation du comité consultatif sur le pouvoir de la miséricorde. Bien que la dernière exécution au Kenya ait eu lieu en 1987, des condamnations à mort continuent d’être prononcées chaque année. 

Le 25 juillet, le Ghana est devenu le 27ème pays à abolir la peine de mort. Le Parlement ghanéen a adopté deux projets de loi, le Criminal Offence (Amendment) Bill 2022 et le Armed Forces (Amendment) Bill 2022, qui modifient la loi de 1960 sur les infractions pénales et la loi de 1962 sur les forces armées afin d’abolir effectivement la peine de mort. Dans un communiqué de presse, la Coalition contre la peine de mort, dirigée par Amnesty International Ghana, s’est félicitée de l’abolition de la peine de mort au Ghana par le Parlement ghanéen. Elle a appelé le président à signer la loi, à commuer toutes les condamnations à mort en peines d’emprisonnement et à instaurer un moratoire officiel sur les exécutions.

Si ces nombreuses annonces laissent présager une année fructueuse pour la communauté abolitionniste, il n’en demeure pas moins que quelques points d’inquiétude sont à signaler.

Évolution inquiétante dans les pays qui appliquent le plus la peine de mort

En Arabie Saoudite, selon Amnesty International, au moins 100 personnes ont été exécutées au 12 septembre 2023, dont au moins deux femmes. L’Arabie saoudite procède à des exécutions sur la base de trois types de sanctions pénales, à savoir les qisas, qui sont des sanctions rétributives, les ta’zir, qui sont des sanctions discrétionnaires, et les hudud, qui sont des sanctions obligatoires. Les autorités saoudiennes se sont engagées à plusieurs reprises à mettre fin aux exécutions fondées sur le ta’zir, car celles-ci sont discrétionnaires et ne répondent pas aux exigences légales et procédurales. Malgré cela, selon l’ESOHR, 44% des exécutions de cette année étaient des exécutions basées sur le ta’zir. En outre, Amnesty International a dénoncé en juin 2023 le fait que sept jeunes hommes risquaient d’être exécutés de manière imminente, malgré l’engagement pris par le gouvernement de ne plus appliquer la peine de mort aux accusés qui étaient mineurs au moment des faits. Selon Amnesty International, six des sept jeunes hommes ont été condamnés pour des infractions liées au terrorisme, notamment pour avoir participé à des manifestations antigouvernementales et assisté à des funérailles de personnes tuées par les autorités saoudiennes. 

À Singapour, l’application de la peine de mort pour des infractions non violentes liées à la drogue a connu une évolution inquiétante. Au moins cinq personnes ont été exécutées pour des infractions liées à la drogue, en violation de la norme internationale relative aux crimes les plus graves, au cours du premier semestre 2023. Singapour a repris les exécutions en mars 2022 après une interruption de deux ans et a depuis exécuté au moins 16 personnes. En avril 2023, Singapour a procédé à sa première exécution de l’année et a pendu Tangaraju Suppiah pour complicité de trafic de stupéfiants, malgré les dénonciations internationales. Trois semaines plus tard, Singapour a exécuté Muhammad Faizal Bin Mohd Shariff pour possession de cannabis. Entre le 26 juillet et le 3 août, Singapour a exécuté trois autres personnes pour des accusations liées à la drogue. L’une d’entre elles, Saridewi Djamani, est la première femme à être exécutée dans le pays depuis 19 ans. 

Pour la deuxième année consécutive, le nombre d’exécutions a augmenté de manière alarmante en Iran. Selon Iran Human Rights (IHR) au moins 499 personnes, dont 13 femmes, ont été exécutées au 12 septembre 2023. À titre de comparaison, 251 exécutions ont eu lieu de janvier à juin 2022, et 117 au cours du premier semestre 2021. Selon l’IHR, 20 % des personnes exécutées pendant les 6 premier mois de 2023 appartenaient à la minorité baloutche. Durant cette même période, 206 exécutions ont eu lieu pour des infractions liées à la drogue, ce qui représente une nette augmentation par rapport au premier semestre 2022.

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