10 ans d’existence, 132 membres, 45 pays
Abolition
Taghreed Jaber, directrice du bureau régional de PRI à Amman, a ouvert l’Assemblée générale de la Coalition mondiale en saluant la volonté politique du roi Abdallah II de Jordanie qui refuse de signer les mandats d’exécution depuis 2006. « Nous espérons que la Jordanie va continuer sur la voie de l’abolition de la peine de mort », a-t-elle déclaré.
Pendant la séance d’ouverture, le Secrétaire général du ministère de la Justice, Mustapha Al Assaf, a officiellement déclaré que le royaume faisait tout pour éviter les condamnations à mort et les exécutions.
En effet, non seulement la Jordanie applique toutes les garanties internationales en la matière, mais en plus les juges ordinaires évitent autant que faire se peut de prononcer la sentence ultime et la Cour de cassation examine tous les recours.
M. Al Assaf a aussi indiqué que la philosophie des châtiments avait évolué : « La peine de mort n’est plus considérée comme dissuasive car les raisons qui poussent à commettre un meurtre dépendent davantage du contexte social et des circonstances de la vie des individus. »
10 ans d’avancées positives
Tous les participants à l’Assemblée générale ont pu le constater : de Taïwan à Porto Rico, de la Californie à la Tanzanie, et même pour les crimes les plus graves, la peine de mort est rognée, écornée, mise au défi.
Patrick Galahue, chercheur à Harm Reduction International, a parlé de l’incroyable revirement de l’Office des Nations unies contre la drogue et le crime (UNODC). Il y a dix ans, l’Organe International de Contrôle des Stupéfiants refusait de condamner l’utilisation de la peine de mort pour trafic de drogue. En 2010, l’UNODC a reconnu officiellement que cela viole le droit international. Depuis mai 2012, un état membre qui refuse de respecter les normes internationales relatives à la peine de mort peut voir certains projets financés par l’UNODC suspendus.
M. Galahue a ajouté qu’à Singapour, les exécutions pour trafic de drogue étaient passées de 25 par an il y a une décennie à deux ou trois désormais. « Même dans les endroit comme Singapour, je pense qu’il y a des progrès subtils, d’un autre ordre que les grands changements auxquels nous sommes habitués. L’abolition de la peine de mort à Singapour est peut-être en vue et c’était impensable il y a dix ans ! », s’est félicité M. Galahue.
Importance du soutien international
Habib Marsit, coordinateur de la Coalition tunisienne contre la peine de mort est revenu sur la situation en Tunisie depuis la révolution de 2011. Le parti islamiste tunisien Ennahda, vainqueur des élections législatives, est revenu sur l’engagement du gouvernement de transition de ratifier le Protocole de l’ONU sur l’abolition de la peine de mort. Cependant, le Ministre de la Justice de transition a maintenu la position de ses prédécesseurs de ne pas appliquer la peine de mort.
Hsinyi Lin, directrice de la Taiwan Alliance to End the Death Penalty est revenue sur l’importance du soutien international. Ainsi, après une mission de la FIDH en 2006, Taïwan avait supprimé la pratique des menottes et des fers qui entravaient les mouvements des condamnés à mort, et en 2008, après une mission de la Coalition mondiale, le Président Ma s’était prononcé contre la peine de mort. Malgré tout, les exécutions ont repris en 2010 et 2011.
Mme Lin a aussi démontré que le moratoire était un élément indispensable dans la lutte contre la peine de mort : « Si TAEDP n’avait pas milité pour un moratoire depuis 2003, Cheng n’aurait pas eu son jugement révisé et n’aurait pas pu être libéré en mai 2012 car il était sur la liste des exécutions en 2006 et aurait été exécuté. »
Pour Carmelo Campos Cruz de la Coalition Porto Ricaine contre la peine de mort, le principal problème dans les Caraïbes est lié au taux de criminalité et de violence. C’est en tout cas l’argument principal invoqué par les pays rétentionnistes de la région.
Pourtant, si l’on compare la situation dans ces pays, le taux de criminalité est en fait plus faible dans les pays qui ont déjà aboli. Dans la région, 12 pays sont abolitionnistes et 13 maintiennent encore la peine de mort.
M. Campos Cruz a aussi salué la création d’un réseau abolitionniste, « The Greater Caribbean for Life », dans la région en octobre 2011.
La peine de mort, instrument de politique de terreur en Irak et en Iran
Certes, tous les obstacles ne sont pas aplanis : des juges ne permettent pas toujours aux accusés de faire valoir leur innocence, voire les condamnent sur la base de confessions extorquées parfois sous la torture.
Des gouvernements instrumentalisent l’opinion publique, utilisent la religion, notamment l’islam, à des fins politiques, jouent la surenchère en pendant les condamnés en public, tergiversent à ratifier des conventions internationales.
L’assemblée générale n’a pas sous-estimé ces difficultés, s’attaquant au problème posé par la coopération internationale dans la lutte contre le trafic de drogue dans le monde et à la nécessité ou non de remplacer le châtiment capital par une peine alternative.
Les débats ont également porté sur les arguments théologiques servant à restreindre au maximum le champ d’application de la peine de mort, le rôle des mécanismes régionaux dans le progrès de l’abolition, et sur les situations post-conflits ou les sociétés très divisées dans lesquelles le pouvoir central est défaillant ou l’autorité judiciaire peu crédible.
Ecoutez ci-dessous la session plénière sur la situation de la peine de mort en Afrique du Nord et au Moyen-Orient ainsi que l’atelier sur les arguments religieux en faveur de l’abolition en islam :
Les membres de la Coalition mondiale ont aussi manifesté leur solidarité avec les peuples iranien et irakien dont les gouvernants n’hésitent pas à se servir quotidiennement de la peine de mort comme instrument de leur politique de terreur.
La conférence s’est achevée par une invitation adressée à la Jordanie pour avancer concrètement sur le chemin qui mène du moratoire à l’abolition, en commençant par officialiser le moratoire et par voter, à l’automne prochain, en faveur de la Résolution des Nations-Unies pour un moratoire universel.
Ecoutez ci-dessous la table-ronde sur la stratégie à adopter afin de soutenir cette résolution :