Burundi, RDC, Rwanda : les militants unissent leurs forces

le 3 décembre 2008

République démocratique du Congo, Rwanda, Burundi : plusieurs organisations abolitionnistes de la région africaine des Grands Lacs se sont retrouvées pour fixer le cap de leur Coalition régionale contre la peine de mort.
Réunis le 17 novembre à Kinshasa, 120 participants ont pris part aux débats. Avocats, magistrats, universitaires, journalistes et étudiants se sont joints aux représentants des organisations de la région, de l’ambassade de France et de l’organisation française Ensemble contre la peine de mort (ECPM).
« Nous avons une expérience avec la création et l’animation de la Coalition mondiale depuis six ans », dont ECPM assure le secrétariat exécutif, explique Cécile Thimoreau, directrice de l’association. « Nous faisons du renforcement de capacités. » Concrètement, il s’agit d’aider les abolitionnistes des Grands Lacs à s’organiser.
Pour contourner les difficultés liées au conflit à la frontière rwando-congolaise, les Rwandais du Collectif de la Ligue des Associations des Droits de l’Homme ont envoyé en RDC un membre d’origine congolaise.
« Malgré nos divisions, nous avons quelque chose qui nous rapproche : le respect de la vie », constate Liévin Ngondji, fondateur de l’association Culture pour la paix et la justice (CPJ) en RDC. « Dans la région, on a une idée commune : abolir la peine de mort », ajoute Merius Rusumo, président de l’ACAT-Burundi.

Un ouvrage pour explorer la situation régionale

Première manifestation de cette collaboration : un ouvrage publié par ECPM et réalisé avec les militants de la région sur la situation au Rwanda, au Burundi et en RDC. Depuis 2005, des enquêteurs ont exploré les systèmes juridiques et les couloirs de la mort de ces trois pays. Ce travail a débouché sur un livre de 350 pages, disponible auprès d’ECPM.
Ces connaissances établies, il s’agit maintenant d’agir. Les membres de la Coalition régionale ont donc adopté une déclaration fondatrice et un plan d’action mis en application immédiatement.
Ils appellent leurs « parlements et gouvernements à prendre une position claire, à l’instar du Rwanda, pour abolir la peine de mort dans la région » et se donnent trois axes de travail.

Une « pression »politique appliquée immédiatement

Premier objectif : « Mettre la pression sur les instances politico-judiciaires de RDC et du Burundi pour abolir la peine de mort ». Le jour de la conférence, les participants ont reçu le ministre des Droits humains et le vice-ministre de la Justice de RDC, qui ont rappelé que des textes de loi sont en préparation pour abolir la peine capitale dans le pays.
Le lendemain, une délégation a rencontré le président de l’Assemblée nationale (photo ci-dessous), qui s’est déclaré abolitionniste et a assuré que le président de la République Joseph Kabila l’est aussi. Le parlementaire a proposé de distribuer à ses collègues une lettre de la Coalition régionale afin de les sensibiliser à la nécessité de l’abolition.
Une nouvelle action coordonnée est lancée en RDC, alors que le pays n’a pas voté pour la résolution de l’ONU appelant à un moratoire lorsque le texte a été examiné en commission. Ensemble, les militants essayent actuellement d’obtenir un vote positif en séance plénière.
La Coalition régionale a eu plus de chance au Burundi, où un projet de loi était en attente à l’assemblée nationale depuis plus d’un an. « Une semaine plus tard, l’abolition de la peine de mort a été adoptée par l’assemblée nationale le 21 novembre au Burundi. Il doit maintenant passer au Sénat, » rapporte Cécile Thimoreau. Une petite victoire qui a conforté les acteurs de la Coalition régionale dans leur stratégie d’action.

Médiatisation et éducation

Outre ce lobbying politique, la Coalition régionale va également médiatiser la cause abolitionniste en multipliant les communiqués de presse et la présence d’intervenants dans des émissions de radio ou de télévision.
Le plan d’action de la Coalition mondiale prévoit enfin un effort d’éducation du public, en remettant des ouvrages comme l’étude régionale présentée lors de la conférence aux bibliothèques universitaires. Ces distributions donneront lieu à des événements impliquant les élus et les médias.
Depuis la rencontre du 17 novembre, un mouvement est lancé : « Nous nous envoyons des mails tous les jours », témoigne Cécile Thimoreau.
Liévin Ngondji, dont l’association CPJ s’est vu confier le secrétariat exécutif de la Coalition régionale, profite des informations fournies par ses partenaires burundais sur le processus d’abolition en cours dans ce pays: « J’utilise cet élément pour montrer que le Congo est le seul pays de la région à garder la peine de mort », explique-t-il.
CPJ, qui anime déjà une coalition nationale de 23 membres en RDC, va organiser prochainement une assemblée générale pour mettre en place les structures de la Coalition régionale.
Quant à Merius Rusumo, il voit déjà plus loin. « Abolir la peine de mort ne suffit pas. Nos Etats doivent former leurs magistrats, améliorer les conditions de détention… On doit faire tout cela en réseau. »

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