Trinidad et Tobago évite de justesse la reprise des exécutions

Caraïbes

le 8 mars 2011

Le premier ministre Kamla Persad-Bissessar avait présenté le Projet d’amendement constitutionnel sur les crimes passibles de la peine capitale en affirmant que s’il était adopté, il permettrait de réduire le nombre de crimes violents. Le texte prévoyait de limiter le temps accordé à un condamné pour faire appel.
Quelque 29 parlementaires ont voté pour le projet et 11 contre, ce qui n’a pas permis d’atteindre la majorité des trois quarts requise pour son adoption (31 voix). Le projet de loi pourra être présenté à nouveau dans six mois.
Un rapport basé sur une enquête du Death Penalty Project et du Projet de plaidoyer pour les droits conduit par la Faculté de droits de l’University of the West Indies a montré que l’opinion locale soutient largement la peine de mort, mais que seuls 35 % des habitants de Trinidad et Tobago y sont favorables lorsqu’il existe une possibilité d’exécuter un innocent.
Sur cette base, le rapport conclut notamment que « les réformes qui affaibliraient la protection des innocents auraient pour conséquence probable de réduire le soutien à la peine de mort dans des proportions significatives ».
Le projet de loi a attiré l’attention internationale, notamment celle de la Coalition mondiale et de son organisation membre Amnesty International qui ont écrit au gouvernement pour lui demander de retirer le projet et à l’opposition pour l’encourager à voter contre.

La Clause 5 contre les Garanties de l’ONU

Le texte rejeté prévoyait de modifier la constitution pour faire échec à une décision rendue en 1993 par le Privy Council, la juridiction la plus élevée en matière criminelle à Trinidad et Tobago. Cette décision stipule que toute personne restant dans le couloir de la mort plus de cinq ans ne peut plus être exécutée. Dans ce cas, la peine de mort est commuée en prison à vie.
Cette décision du Privy Coucil et d’autres ont augmenté le degré de protection des personnes passibles de la peine capitale et conduit à la suspension des exécutions à Trinidad et Tobago ; où le dernier condamné a été tué en 1999.
La Clause 5 du projet de loi visait à contourner cet obstacle en introduisant un délai constitutionnel maximum pour conduire un appel dans une affaire impliquant la peine de mort. L’exécution aurait pu avoir lieu même si « l’appel , la communication ou la consultation n’est pas achevée ».
Cette clause contredit les engagements internationaux de Trinidad et Tobago dans le cadre du Pacte international sur les droits civils et politiques (PIDCP) et des Garanties pour la protection des droits des personnes passibles de la peine de mort  des Nations unies.
La violation la plus évidente concerne la Garantie n°8 de l’ONU : « La peine capitale ne sera pas exécutée pendant une procédure d’appel ou toute autre procédure de recours ou autre pourvoi en vue d’obtenir une grâce ou une commutation de peine. »

Peine de mort automatique

Le projet de loi renforçait également la peine de mort automatique à Trinidad et Tobago dans les cas de « meurtres n°1 », autrement dit ceux dont la victime est un membre des forces de sécurité, un gardien de prison ou un magistrat dans l’exercice de ses fonctions, un témoin ou un juré, ainsi que les attentats à la bombe et les meurtres commandités.
La peine de mort automatique viole elle aussi le PIDCP et les Garanties de l’ONU en excluant les circonstances atténuantes qui placeraient un meurtre en-dessous du seuil des « crimes les plus graves ». Son application permet de « priver arbitrairement un personne de sa vie ».
Le soutien à la peine de mort automatique est très faible à Trinidad et Tobago. Selon le rapport du Death Penalty Project et de l’University of the West Indies, seuls 26 % de la population y sont favorables.
De plus, parmi ceux qui soutiennent la peine de mort, seuls 1,3 % citent son rôle dissuasif comme raison principale.

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