Le procès d’un Syrien mobilise les abolitionnistes contre la peine de mort au Liban
Le 20 mai 2014, le Bâtonnier de Paris Pierre-Olivier Sur a plaidé, aux côtés des avocats libanais Ziad Achour et Lina Aya, membres de l’Association Justice et Miséricorde (AJEM), pour la défense du plus jeune condamné à mort du Liban, réfugié syrien de 24 ans.
Il a ainsi soutenu devant la Cour de cassation que la peine de mort est contraire aux engagements internationaux du Liban, lesquels priment sur le droit interne.
D’une part, la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme (inscrite dans le Préambule de la Constitution libanaise) consacre la « dignité inhérente à tous les membres de la famille humaine », le « droit à la vie » et interdit « les peines et traitements inhumains ou dégradants » – que constitue nécessairement la peine de mort – des termes repris par le Pacte international relatif aux droits civils et politiques ratifié par le Liban.
D’autre part, le Tribunal Spécial pour le Liban, compétent pour juger les auteurs de l’attentat ayant causé la mort de l’ancien Premier ministre Rafic Hariri, écarte la peine de mort des sentences applicables au crime de terrorisme, qui fait partie des « crimes les plus graves » en ce qu’il porte atteinte aux intérêts de l’Etat. Dès lors, prononcer la peine capitale pour des crimes de droit commun viole à la fois les engagements souscrits par le Liban – le recours à la peine de mort devant être circonscrit aux « crimes les plus graves » – et le principe constitutionnel d’égalité entre les citoyens.
Aucun effet dissuasif
Puis, il a été plaidé que la peine de mort, qui n’a aucun effet dissuasif, est inapplicable aux faits de l’espèce. Ainsi le droit libanais a-t-il été évoqué, pour souligner en particulier les irrégularités de la procédure – l’accusé n’ayant pas bénéficié de l’assistance d’un avocat lors de ses premières comparutions – l’absence de préméditation, qui conditionne le prononcé de la peine de mort, et les nombreuses circonstances atténuantes (jeune âge de l’accusé, absence d’antécédents criminels, repentir). Le verdict sera connu le 26 juin prochain.
Cette collaboration inédite entre les avocats membres de l’AJEM et le Bâtonnier de Paris, rendue possible grâce à une autorisation délivrée par le Bâtonnier de Beyrouth, a permis la tenue d’une audience exceptionnelle, à laquelle de nombreuses ONG, représentants des ambassades, députés et anciens ministres ont assisté. Les débats ont eu lieu en français et en arabe grâce à un système de traduction simultané accepté par la Cour. Une conférence de presse au sujet du combat contre la peine de mort au Liban a ensuite été organisée dans les locaux de l’Université Saint Joseph.
Le Liban connaît un moratoire de fait depuis 2004, aucun décret d’exécution n’ayant été signé depuis cette date. Une situation précaire, tout changement politique étant susceptible de donner lieu à de nouvelles exécutions ciblées, ce qui fut le cas en 1994 et en 2004. Les condamnations à mort restent fréquentes et visent souvent des étrangers.
Illustration : Darwinek
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