Le Belarus met fin à plus d’une année sans exécution

Abolition

Publié par Daria Gribanova, le 14 avril 2014

Mise à jour du 22 avril 2014 : Viasna a révélé qu’un prisonnier a été exécuté en secret au Belarus ce mois-ci. « Le condamné Pavel Sialiun a selon toute vraisemblance été exécuté ces jours-ci alors que sa plainte devant le Comité des droits de l’Homme des Nations unies était en cours d’examen. Cela signifie que le Belarus a une fois de plus enfreint ses obligations internationales », rapporte l’organisation sur son site internet.

En 1977, le lauréat du prix Nobel de la paix Andreï Sakharov présentait son point de vue abolitionniste dans une lettre ouverte à la conférence internationale d’Amnesty International sur l’abolition de la peine de mort. Quelque 37 ans après, ses paroles résonnent toujours dans le contexte actuel : « Je suis convaincu que non seulement les accusés, mais la société toute entière et chacun de ses membres portent la responsabilité des crimes commis », déclarait Sakharov, qui qualifiait la peine de mort d’« institution violente et immorale complotant pour affaiblir la moralité et le droit dans la société ».
La situation a peu changé au Belarus depuis l’époque soviétique. Les mots du célèbre universitaire et défenseur soviétique décrivent aussi bien la société locale moderne. L’inefficacité de la peine de mort comme outil de lutte contre le terrorisme ou pour dissuader d’éventuels criminels, la forte probabilité d’erreurs judiciaires, les plaidoiries d’avocats de la défense ou les plaintes de mères de condamnés injustement ignorées : Sakharov avait évoqué tous ces faits et bien d’autres pour appeler à l’abolition de la peine de mort en URSS.
Aujourd’hui, les militants biélorusses des droits de l’Homme les mettent à nouveau en avant dans des discours et des écrits courageux.

Reconnaissance internationale

L’un d’entre eux s’appelle Ales Bialatski et il dirige l’association Viasna. Il est également vice-président de la Fédération internationale des ligues des droits de l’Homme (FIDH). À la suite de Sakharov, Bialatski les droits de l’Homme en URSS et au Belarus depuis une trentaine d’années et son travail a été reconnu par de nombreux prix internationaux.
Le 2 avril dernier, l’association suédoise Civil Rights Defenders a fait de Bialatski son « Défenseur de l’année 2014 ». Il a été arrêté en août 2011 et condamné trois mois plus tard à quatre ans et demi de prison pour « dissimulation de revenus à grande échelle ». En prison, il a écrit des essais littéraires et des articles publiés en 2013 dans un recueil de 455 pages, « Éclairé par la question biélorusse », immédiatement interdit pour « dommages à l’image de la République du Belarus ».
Viasna est au cœur du mouvement abolitionniste au Belarus. Il y a cinq ans, en collaboration avec les organisations membres de la Coalition mondiale Belarusian Helsinki Committee et Amnesty International, ses militants ont lancé la campagne « Défenseurs des droits de l’Homme contre la peine de mort au Belarus ». Son coordinateur, Andreï Poluda, estime que la campagne a accru l’efficacité du mouvement abolitionniste biélorusse.
Les trois principaux vecteurs de la campagne sont l’action juridique aux niveaux national et international : l’action sociale auprès des familles des personnes condamnées à mort et exécutées ; et l’information des médias et de la population. Des défenseurs des droits de l’Homme, des avocats, des membres de plusieurs ONG, des personnalités publiques et de simples citoyens sont unis dans cette campagne pour un seul objectif : obtenir un moratoire sur la peine de mort en vue de son abolition.

Les efforts d’information atteignent le public

Depuis 2009, des efforts importants visent la diffusion d’informations sur la peine de mort au Belarus. Plusieurs documentaires ont été tournés et diffusés par Internet. Le livre « Peloton d’exécution » et les interviews de l’ancien directeur de couloir de la mort, Oleg Alkaev, ont mis en lumière les exécutions perpétrées dans les années 1990 à la prison n°1 de Minsk. Enfin, trois films d’animation sont sortis en 2013 sous la bannière de la campagne : « La file d’attente », « Le bourreau » et « La fuite » (ci-dessous).

Son coordinateur Andreï Poluda remarque des changements positifs dans la société biélorusse : « Pour nous, un excellent indicateur de l’efficacité de notre travail est l’intérêt croissant des médias et de la société pour la question de la peine de mort dans notre pays. Ce intérêt génère des débats sérieux. Nous savons que la vérité émerge de la confrontation des opinions et se ce sujet fait l’objet de discussions entre les citoyens, notre société gagne en maturité. »
Ces changements se retrouvent dans la dernière enquête d’opinion conduite sur le sujet et donnent aux abolitionnistes l’espoir que son pays évolue vers une remise en cause de la peine capitale.
 

« Vous me demandez ce que j’aurais changé dans ma vie s’ils m’avaient libéré. J’aurais dédié ma vie à mes enfants, à ma femme bien-aimée et à mes parents, à mon meilleur ami qui est un frère pour moi. Si j’avais vraiment pesé le pour et le contre (sans me limiter à moi-même, mon argent et mes amis), si seulement j’avais réfléchi à tous ces « Si… », ce qui allait arriver à ceux que j’aime, je ne serais pas ici. C’est le sens de tous ces « Si… ». Je suis le seul responsable. »
Extrait de la lettre envoyée par Andrey Zhuk, condamné à mort en 2009, à Irina Tolstik, l’une des coordinatrices de la campagne « Défenseurs des droits de l’Homme contre la peine de mort au Belarus ». Le prisonnier de 26 ans ne savait alors pas qu’il serait exécuté dans le mois suivant.

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